A l’heure où la fréquentation en agence ne cesse de s’effriter, les grands réseaux bancaires rivalisent de nouveaux concepts pour « réinventer » leurs points de vente. A quoi ressemble « la banque de demain » ? Revue d’effectif des dernières initiatives, parfois très similaires.

Paradoxe. Les usagers fréquentent de moins en moins régulièrement leur agence bancaire : seuls 14% des détenteurs de compte bancaire s’y rendent plusieurs fois par mois, contre 62% en 2007 ! Pourtant, selon le même sondage (1), 55% des Français souhaitent toujours disposer d’un conseiller attitré. Les usagers se détournent donc de l’agence du village ou du coin de leur rue mais veulent encore pouvoir y croiser leur conseiller clientèle. A partir de ce double constat, comment les banques doivent-elles réinventer leur réseau ? Dilemme.

Chaque enseigne semble avoir son idée : les annonces d’agences 2.0 ou « nouvelle génération » se succèdent. Dernière en date : la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne-Ardennes a dévoilé le 7 avril dernier « une agence 100% innovante » à Metz. En bref : 300 m2, deux niveaux, écran interactif sans contact à l’extérieur, borne d’accueil tactile pour se signaler directement aux conseillers, « bar à tablettes », wifi, table tactile dans le bureau du conseiller et jeux pour enfants.

La Caisse d’Epargne promet même « prochainement » la technologie iBeacon. Celle-ci « permet d’entrer en relation avec les clients dès leur arrivée à proximité de l’agence via leur smartphone ». Le Crédit Mutuel Arkéa, qui regroupe les fédérations Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central, a annoncé le déploiement de cette même technologie iBeacon dans son réseau d’agences en décembre 2014. L'enseigne se targuait par ailleurs un an plus tôt de « réinventer l’expérience client » et de décliner un nouveau concept dans une quinzaine d’agences d’ici la fin 2014. Là encore, la nouvelle agence fait la part belle aux supports tactiles, aux grands espaces, au libre service, etc.

« Nous sommes fascinés par le modernisme »

Un an plus tôt, en septembre 2012, BNP Paribas communiquait sur l’ouverture de six agences « nouvelle génération », avec la possibilité d’utiliser la visioconférence pour discuter avec un expert patrimoine ou crédit, des bornes tactiles, des jeux pour enfants, etc. Plus récemment, le 31 mars 2015, la Société Générale annonçait une nouvelle agence à Dijon avec « mur d’images digital, musique et parfum d’ambiance dès l’entrée », puis tablettes à disposition, entre autres.

Si chaque réseau tente de se distinguer avec une petite originalité, les annonces se suivent et se ressemblent. Les banques ont-elles toutes la même vision de la banque de demain ? « De ce que j’ai vu, c’est toujours plus ou moins la même chose », tranche Guillaume Almeras, éditeur du site d’analyse bancaire Score Advisor. « Le problème, ce sont les cabinets d’architectes qui ont toujours la même idée », tournant toujours autour du numérique : « Les écrans, on les a chez nous ! J’ai l’impression qu’en France, nous sommes fascinés par le modernisme. »

Revoir tout un réseau d’agences : « 7 ans »

Dans un communiqué diffusé ce lundi, le directeur associé senior du cabinet BCG, Axel Reinaud, estime pour sa part qu’il faut « concilier l’humain et le digital », sur la base d’une étude comparative entre plusieurs pays : « Aujourd’hui, les opérations simples peuvent être gérées directement sur internet ou mobile (…). Mais le conseiller reste l'interlocuteur clé pour les besoins nécessitant du conseil. »

Dans le cadre de la réorganisation de son réseau, BNP Paribas tente d’adapter ses agences aux différents types de besoins des clients. Le réseau BNP Paribas sera ainsi divisé en trois catégories d’agences : des « express », avec automates ou tablettes pour les opérations du quotidien ; des agences « conseil » avec des conseillers généralistes et la possibilité de réaliser une viso-conférence avec un expert ; des agences « projets » avec des conseillers spécialisés. « Le futur modèle de BNP Paribas n’est pas forcément l’idéal mais il est clair que les grands réseaux doivent s’orienter vers le multi-formats », juge Guillaume Almeras, qui a réalisé plusieurs études sur le sujet.

Le fondateur de Score Advisor estime par ailleurs que les fermetures d’agences certains jours de la semaine, expérimentées par la Société Générale ou la Banque Populaire, peuvent permettre de sauvegarder le réseau de proximité : « L’après-midi, en semaine, les agences sont fréquentées en moyenne par moins de cinq clients en simultané. » Ainsi, selon lui, 15% des agences bancaires françaises ne sont pas rentables. D’où la nécessité de repenser le modèle de façon globale : « Quitte à ce qu’un conseiller ne soit pas attaché à une agence mais à plusieurs. »

Reste que ces réorganisations prennent du temps. BNP Paribas a annoncé que la transformation de son réseau s’étalera jusqu’en 2019. « Il faut sept années pour qu’une banque change tout son réseau », affirme Guillaume Almeras, qui s’appuie sur les estimations des cabinets d’architectes pour avancer cette statistique.

Refonte globale ou agence « vitrine » ?

Les multiples annonces d’agences « nouvelle génération » seront-elles réellement suivies d’un déploiement du concept dans l’ensemble du réseau ? A la Banque Postale, seul le bureau de poste du Cherche Midi à Paris - attenant au siège de la banque -, est vu comme un « laboratoire d'innovations ». Pour sa part, la Caisse d’Epargne, qui vient de lancer son nouveau concept à Metz, communiquait déjà sur son agence « Nouvelle définition » à Lyon en octobre 2013. Le service presse évoque « une logique d’expérimentation », le concept « Nouvelle définition » ayant été décliné à Lille, Strasbourg, et donc à Metz. La communication de l’Ecureuil réfute ainsi l’idée de « show room ou de concept store », l’idée étant de faire un test dans chaque région pour disposer de « modèles adaptés et personnalisés ».

Même logique au Crédit Agricole, où les annonces sont aussi diverses que variées : le « Store by CA » à Grenoble, imaginé comme un espace de shopping, « l’Autre Agence » en Champagne-Bourgogne où le cœur du concept est le « rendez-vous immédiat », les agences parfumées dans la caisse régionale Centre Est, etc. Sans oublier « l’agence Active » du Crédit Agricole Ile-de-France, basée sur le numérique mais qui doit être déclinée à terme dans tout le réseau contrairement aux innovations des autres caisses, plus ponctuelles. Chaque caisse mène sa propre réflexion, comme le reconnaît le service presse de la fédération du Crédit Agricole. La communication insiste toutefois sur la volonté de la banque verte de ne pas fermer d’agences à grande échelle, malgré ses 7.000 points de vente.

(1) Observatoire de l’image des banques 2014 réalisé par BVA pour la Fédération bancaire française.