« Changeons la banque ! », c’est le titre du livre de Benoît Legrand, le patron d’ING Bank France, à paraître le 9 avril. Il y fait, sans surprises, l’apologie du modèle digital et low cost, et fournit quelques scénarios de « banque fiction » pour l’avenir. Extraits en avant-première.

Une crise de confiance

« Les Français, pour 65 % d’entre eux, n’ont pas confiance dans les institutions bancaires, et seulement 28 % recommanderaient leur banque (…). Résultat de multiples scandales autour des banques et de la crise de 2008, ce climat de défiance persistant est néfaste pour toutes les parties et, au final, pour l’économie tout entière. (…) Les banques ne sont pas les seules à avoir joué un rôle dans la crise de 2008. Les agences de notation, qui avaient noté favorablement les subprimes, les investisseurs à la recherche de plus de rentabilité, les autorités publiques et les sociétés d’audit sont-ils irréprochables ? (…) La banque a endossé le rôle de bouc émissaire de la crise. »

Un modèle qui s’essouffle

« Le modèle bancaire n’a pas su évoluer avec son temps : les agences se vident, pourtant les acteurs traditionnels s’arc-boutent sur leur réseau. Aujourd’hui, seuls 17 % des clients se rendent à leur guichet plus d’une fois par mois, ils étaient 62 % il y a cinq ans ! Les Français préfèrent réaliser le maximum d’opérations depuis leur smartphone ou leur tablette. (…) L’augmentation des frais bancaires fait désormais partie des sujets dont se préoccupent le plus les consommateurs, après les tarifs de l’énergie, et avant le coût des soins et des médicaments non remboursés. Ces récriminations ne sont pas seulement le signe d’un énervement, d’une irritation, mais d’un problème plus grave : une défiance profonde des consommateurs vis-à-vis des banques. (…) Dans les banques de détail, la pression commerciale a souvent altéré la relation du client avec sa banque. Beaucoup de consommateurs se méfient des produits financiers qu’ils pensent soumis à commission. »

Une banque nouvelle, low cost et connectée

« Dans les transports, l’ameublement et les télécoms, le modèle du low cost, d’abord décrié, a finalement conquis les consommateurs grâce au principe d’une « offre au juste prix ». (…) En 2014, [les clients d’ING Direct] ont consacré en moyenne seulement 17 euros à leurs frais bancaires, soit plus de dix fois moins que ceux d’une banque classique. Notre modèle économique repose sur un principe simplissime : une banque 100 % en ligne, trois centres d’appel en France et deux espaces de rencontre, les ING Direct Cafés à Paris et à Lyon. (…) Ce modèle innovant nous permet de mobiliser seulement 450 personnes, toutes établies en France, pour servir un million de clients. (…) Le principe du low cost n’est pas de vendre des produits ou des services de moins bonne qualité, mais de réduire les prix par une baisse drastique des coûts de production et de distribution. (…) Dans une banque traditionnelle, le personnel représente environ 60 % des coûts, l’informatique 20 % et l’immobilier 10 %. (…) Aujourd’hui, bien plus que la proximité physique, les consommateurs recherchent une proximité émotionnelle et digitale, une accessibilité et une efficacité opérationnelles, car on attend d’une banque qu’elle soit disponible pour répondre à vos questions et pertinente dans ses réponses. »

Faciliter le changement de banque

« Le marché français est très peu favorable à la mobilité. Le transfert de son compte d’une banque à une autre est chronophage et comporte même des risques. (…) Dans un monde idéal, on se verrait attribuer un seul numéro de compte qui nous suivrait toute notre vie. On pourrait changer de banque mille fois, nos données bancaires resteraient identiques, exactement comme le numéro de téléphone mobile, qui a cessé en 2003 d’être la propriété des opérateurs. (…) Qui dit absence de transférabilité dit déficit de concurrence, moindre qualité de service et faible incitation à l’innovation. En résumé, sur un montant d’épargne totale des Français de 3.145 milliards d’euros fin 2014, près de 80 % sont soumis à des réglementations ou des procédures qui en empêchent la transférabilité : la très populaire assurance-vie (1.580 milliards d’euros), les non moins populaires livret A (235 milliards) et livret développement durable (100 milliards), les comptes-titres et plans d’épargne actions (560 milliards). (…) Même si cela peut paraître parfois compliqué, il est essentiel qu’une plus grande libéralisation soit poursuivie. Les acteurs du marché ne me semblant pas avoir prouvé leur grande détermination à le faire, la balle est dans le camp des pouvoirs publics. »

Réinventer la banque grâce aux données

« Plus de 70 % des clients se disent prêts à payer plus, à souscrire de nouveaux produits ou à augmenter leurs avoirs, si leur banque leur proposait de meilleurs conseils pour les aider à atteindre leurs objectifs financiers. Une conclusion s’impose : le salut passera par une ultrapersonnalisation pertinente et par la pleine maîtrise du Big Data [croisement de multiples données, bancaires et personnelles, de chaque client, NDLR]. À ne pas exploiter le Big Data, les banques courent à leur perte. Leur grand défi sera de l’utiliser en offrant une valeur ajoutée, perçue comme telle par leurs clients, et en renforçant la relation de confiance. (…) Le modèle du freemium, en vigueur sur bon nombre d’applications mobiles et celui de sites comme LinkedIn, est voué à un bel avenir. Il s’agit d’offrir un produit d’appel simple et très bon marché, et de l’associer à des options d’optimisation payantes auxquelles le client choisit explicitement de souscrire. Rien ne lui est imposé. »

Trois scénarios de « banque fiction »

Scénario 1 - l’extinction de l’espèce bancaire : « Tous les métiers de la banque ont (…) été avalés par de nouveaux entrants issus d’un univers totalement étranger à la finance. (…) L’argent n’est plus sur des comptes auprès d’institutions qui ont pignon sur rue, il est scellé dans des clouds financiers, des coffres-forts numériques, accessibles en permanence au bon vouloir du client qui pense avoir repris le pouvoir sur son argent. Il l’a en fait retiré aux banques, mais transféré et délégué à la technologie superintelligente. Fini le temps où on était marié à une banque, désormais les consommateurs jonglent avec plusieurs clouds et transfèrent leurs économies en quelques secondes. »

Scénario 2 - l’évolution des agences du réel au virtuel : « Tout le monde aurait parié sur leur mort, mais les agences bancaires ont pourtant ressuscité. (…) Elles ont lancé des investissements de rupture dans la digitalisation de leurs services, et entrepris une grande opération de séduction, en rénovant leurs agences et en repensant leur réseau. (…) Plusieurs types d’agences ont vu le jour. Des microagences de proximité, proposant une offre en self-service et la possibilité d’entrer en contact avec un conseiller généraliste en visioconférence, et des agences à forte valeur ajoutée, animées par des conseillers spécialistes, dont le rôle n’est pas de vendre des produits, mais d’apporter des réponses à des problématiques. »

Scénario 3 - la mutation des banques en hypermarchés financiers : « Ces banques d’un genre nouveau ne vendent plus seulement des crédits et des portefeuilles d’actions, mais aussi des voitures, de la domotique, des services à la personne, de l’immobilier, des offres variées issues de marques différentes. En fait, les banques sont devenues des sociétés de courtage. Elles proposent, le client dispose. Mais c’est à présent un client autonome qui possède une solide éducation financière. C’est l’ère de la banque à la carte. »

« Changeons la banque ! Plaidoyer pour une banque qui rend plus autonome » de Benoît Legrand, à paraître le 9 avril dans la collection Documents du Cherche-Midi.