Avec six enseignes, le marché français de la banque 100% en ligne est parmi les plus concurrentiels au monde, alors même qu'il ne touche encore qu’une minorité de clients. Pourquoi une telle diversité ? Est-elle appelée à durer ? Pourrait-on encore assister à l’arrivée de nouveaux acteurs ? Eléments de réponse.

ING Direct, Boursorama Banque, Fortuneo, Monabanq, Hello bank : elles sont cinq enseignes - et bientôt six avec l'arrivée prochaine de BforBank sur le compte courant - à se partager le marché de la banque 100% en ligne en France. « Cela peut paraître beaucoup, si l’on regarde les autres pays européens où il y a plutôt deux, trois gros acteurs », confirme Benoît Grisoni, le directeur général de Boursorama Banque. D’autant que la clientèle reste limitée : 2,5 millions environ, si l'on totalise les chiffres fournis par les enseignes. Et ils sont encore beaucoup, beaucoup moins à l’utiliser au quotidien.

Cette variété peut étonner. Elle n’est en fait que le reflet de la structure du marché bancaire français. « Nous sommes tous, à l’exception d’ING Direct, des filiales de grands groupes bancaires français », rappelle Benoît Grisoni. « Le contexte concurrentiel de la banque en ligne devrait-il être différent, ou plus concentré ? Je n’ai pas encore de réponse. » Boursorama Banque est ainsi une filiale à 80% de la Société Générale (1). Fortuneo appartient au Crédit Mutuel Arkéa, BforBank aux caisses régionales du Crédit Agricole, Monabanq au Crédit Mutuel-CIC. Hello bank, de son côté, est adossée à BNP Paribas. Seule ING Direct (2) n’est pas affiliée à une groupe bancaire possédant un réseau d’agences en France.

Un état de fait qui peut expliquer, selon Benoît Legrand, le directeur général d’ING Bank France, le retard français en matière d’usage par rapport à ses voisins européens : « Je ne suis pas sûr que ces enseignes en dur souhaitent vraiment pousser le concept de banque à distance, au risque de se cannibaliser elles-mêmes. Cette filialisation, assez typique de la France, est un frein. »

Des offres convergentes

La variété des enseignes se retrouve-t-elle dans la variété des offres ? Historiquement, oui. ING Direct et BforBank ont longtemps misé sur leurs comptes sur livrets à taux boostés pour attirer le grand public, quand Boursorama Banque faisait le choix de centrer sa communication sur la carte bancaire gratuite. ING Direct a également opté pour un catalogue de produits lisible mais court - un seul type de carte bancaire pour tout le monde, par exemple - quand Boursorama Banque a préféré rapprocher le sien de ce qui existe dans les banques traditionnelles, quitte à rendre son expérience client un peu plus complexe. Monabanq, de son côté, n’affiche pas de gratuité, mais met en avant son forfait de compte très complet à bas prix.

Toutefois, au fil des années, ces différences historiques tendent à s’estomper. La faiblesse durable des taux du marché et l’arrivée de nouveaux concurrents, comme RCI Banque et PSA Banque (3), a rendu l’activité d’épargne plus difficile à rentabiliser. Le compte courant, lancé en 2009, est ainsi devenu le principal produit d’appel d’ING Direct, qui va également inaugurer une offre de crédit immobilier en juin prochain. BforBank s’apprête à suivre la même évolution, avec la commercialisation d’un compte courant attendu en 2015 et d’un crédit immobilier en 2016. « Le crédit valorise le fait d’être une banque », confirme Benoît Grisoni.

Concurrence et taille critique

Dans ce contexte, la bataille commerciale à laquelle se livrent déjà les banques en ligne, à grand renforts de spots publicitaires, devrait encore s'intensifier. De bonne guerre, estime Benoît Legrand, optimiste sur la croissance du marché : « Plus il y a de concurrents, plus la digitalisation de la banque se banalise. Il y a dix ans, on n’achetait pas son billet d’avion sur internet. Aujourd’hui, c’est très rare d’aller l’acheter dans une agence de voyage. C’est ce qui est en train de se passer pour la banque : un compte sur trois aujourd’hui est ouvert chez un acteur 100% en ligne. »

L’enjeu pour les enseignes sera néanmoins d’atteindre la taille critique permettant de rentabiliser à long-terme leur activité. « En-deçà de 200 ou 300.000 clients, il me paraît difficile de construire sur le long-terme », estime le patron d’ING Direct, qui ne croit pas à l’arrivée de nouveaux acteurs en France. « Entrer sur le marché avec un nouveau modèle disruptif et rentable, ce qu’a fait ING Direct il y a 15 ans, serait très difficile aujourd’hui. Les grands noms de l’internet - Google, Apple, Facebook, Amazon - pourraient mettre un pied dans le secteur des paiements. Mais de là à devenir des banques à part entière… »

Pour Benoît Grisoni, l’enjeu est aussi de figurer en bonne position dans la hiérarchie. « La banque en ligne doit être comparée aux autres secteurs de l’internet, au moins autant qu’à celui de la banque traditionnelle », estime-t-il. « Et dans tous les grands succès de l’internet, la prime au leader a été un élément clé, il n’y a pas de contre-exemple ».

En attendant, ce contexte concurrentiel est certain de faire un heureux : le client bancaire, objet de convoitise, qui devrait encore profiter un moment de tarifs bas, de taux bonifiés sur ses produits d'épargne et de primes à l’ouverture de ses comptes bancaires 100% en ligne.

Les chiffres de la banque en ligne en France

  • ING Direct - 966.000 clients fin 2014 (+87.000 sur un an), dont 265.000 comptes courants.
  • Boursorama Banque - 609.000 clients fin 2014 (+116.000 sur un an), dont plus de 400.000 comptes courants.
  • Fortuneo - 310.000 clients en France et en Belgique fin 2014.
  • Monabanq - Pas de chiffres 2014, 290.000 clients fin 2013.
  • BforBank - Pas de chiffres 2014, 115.000 clients fin 2013.
  • Hello bank - 101.000 clients en France fin 2014, dont la moitié environ était déjà chez BNP Paribas.

Sur la base de ces chiffres, on peut estimer le nombre de clients actuel de la banque 100% en ligne à 2,5 millions de clients.

(1) Les 20% restants appartenant à la banque catalane CaixaBank.

(2) ING Direct appartient à ING Bank France, elle-même filiale du géant de la bancassurance néerlandais ING.

(3) Appartenant respectivement aux groupes automobiles Renault et Peugeot, ces banques spécialisées dans le crédit distribuent en ligne des livrets d’épargne à taux boostés.