L’an passé, à la même date, deux assureurs d’importance avaient communiqué le taux de rémunération de leur fonds euros pour l’année en cours : Axa et la Matmut. En 2011 et 2012, la première annonce était aussi intervenue dès le mois de novembre. Pourquoi ce silence, en cette fin 2014 ? Nous avons posé la question à Cyrille Chartier-Kastler, fondateur du cabinet Facts & Figures.

Plus d’une semaine après le début du mois de décembre, aucun assureur n’a annoncé les taux de rémunération de ses fonds en euros…

« Nous assistons à un jeu de poker menteur. C’est évident que si un important acteur du marché livre son taux de rémunération pour 2014, il va fixer un cadre pour ses collègues. Les uns et les autres s’observent. »

En 2012 et 2013, Axa communiquait dès la mi-novembre. Cette année, ce sera plus tard. Ce décalage dans le calendrier des annonces est-il lié à la baisse attendue des rendements ?

« Les taux ont fortement chuté depuis le début de l’année. L’OAT 10 ans [obligations assimilables du Trésor, emprunts d’Etat français, NDLR] est passé sous la barre des 1% au début du mois [0,96% au 1er décembre, il est depuis remonté à 1,02%, NDLR]. Les assureurs attendent peut-être de voir comment les taux évoluent d’ici la fin décembre. »

Est-ce un mauvais signe ?

« L’hypothèse d’un scénario à la japonaise (1) devient de moins en moins irréaliste. Exemple : si un assureur propose du 3,50% (2) en 2014 et que l’OAT 10 ans tombe à 0,70% à la fin décembre, ce serait clairement imprudent ! Même si la provision pour participation aux excédents (PPE) le lui permet, du moins pour cette année. Un autre indicateur peut toutefois être pris en compte : le CAC 40. Si une compagnie d’assurance maintient un rendement élevé, elle peut arguer du bon niveau du CAC 40 pour justifier sa position, malgré la faiblesse des taux obligataires. Tout cela explique l’attentisme actuel. »

Vous avez pronostiqué un rendement moyen de 2,2% pour les fonds euros en 2014. D’autres spécialistes de l’épargne annoncent 2,4%. Vous maintenez vos prévisions ?

« Vu la faiblesse des taux sur les marché, mon hypothèse est plausible. Il faut mettre cela en parallèle avec la faiblesse de l’inflation : ce taux de 2,2%, si on lui applique les prélèvements sociaux et qu’on le corrige de l’inflation actuelle, on obtient 1,5%. 1,5% net d’inflation, c’est excellent ! Je pense surtout que les assureurs vont opter pour une politique plus agressive de bonus de rendement [taux de rémunération du fonds euros bonifié si l’assuré investit sur les unités de compte, NDLR] en 2014. »

Selon vous, quand auront lieu les premières annonces de rendement de fonds euros ?

« Je ne sais pas. Il reste déjà peu de temps en décembre… Les principaux assureurs vont peut-être attendre 2015. Après, il ne faut pas écarter l’idée d’un franc-tireur communiquant tôt un rendement élevé. Mais il prendrait un risque… »

Lire aussi la précédente interview de Cyrille Chartier-Kastler, à propos de sa prévision de rendement moyen des fonds euros pour 2014

(1) Plusieurs assureurs-vie ont fait faillite au Japon dans les années 1990. Lire à ce propos : Rendements de l'assurance-vie en euros surévalués : un risque de faillite pour les assureurs ?

(2) Net de frais de gestion mais avant prélèvements sociaux.