Une « anomalie de marché » : c’est l’expression récemment utilisée par François Villeroy de Galhau, un des dirigeants de BNP Paribas, à propos de la rémunération du Plan épargne logement (2,11% net de prélèvements sociaux). Pourquoi ce niveau de rendement, alors que celui des autres produits d’épargne chute ? Y a-t-il un risque que le gouvernement change les règles du jeu ? Eléments de réponse.

1% net pour le Livret A ; 1,02% brut en moyenne pour les livrets fiscalisés ; 2,20% avant fiscalité annoncés en 2013 pour l’assurance-vie en euros : les supports traditionnels de l’épargne des Français souffrent actuellement de rendements particulièrement faibles.

Dans ce paysage, un produit détonne : le Plan épargne logement (PEL), rémunéré 2,50% (2,11% après prélèvements sociaux) tout en offrant une garantie du capital. Malgré certaines contraintes (versements minimum obligatoires, retraits partiels impossibles), il réussit du coup une excellente collecte 2014 : 11,6 milliards d’euros à fin septembre, contre 8,4 milliards sur l’ensemble de l’année 2013 et 1,2 milliard en 2012. L’effet d’aubaine marche à plein régime.

Les conséquences de la réforme Lagarde

Le fonctionnement du Plan épargne logement, produit réglementé, a été revu en 2011, à l’initiative de la ministre de l’Economie de l’époque, Christine Lagarde. Sa fiscalité, notamment, a été légèrement durcie. Sur les PEL ouverts depuis le 1er mars 2011, les contributions sociales sont ainsi prélevées chaque année, alors que ce prélèvement n’intervenait auparavant qu’au 10e anniversaire du compte. La durée de vie de ces nouveaux PEL est également limitée à 15 ans maximum : au-delà, ils sont automatiquement transformés en livrets classiques, donc fiscalisés et rémunérés à l’appréciation de la banque. Il n’est plus possible de conserver un même PEL toute une vie.

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« En 2011, 2012 et 2013, le Plan épargne logement a connu des années difficiles », note l’économiste Philippe Crevel. C’est pourtant la « réforme Lagarde » qui lui permet de revenir en grâce : c’est elle, en effet, qui a institué un taux plancher de 2,50%, dont profitent actuellement sans modération les épargnants.

Un effet d’aubaine pour les épargnants, pas pour les banques

Le Plan épargne logement, à l’origine, est un produit taillé sur mesure pour permettre aux Français de se constituer un capital en vue d’un achat immobilier. La détention du produit permet de bénéficier, sous certaines conditions, d’une prime versée par l’Etat et de droits à prêt. Problème : ce prêt épargne logement affiche un taux de 4,20% sur une durée jusqu'à 15 ans, très peu attractif actuellement.

Logiquement, les épargnants tendent de plus en plus à détourner le PEL de son objectif initial pour l’utiliser comme un support classique d’épargne, sans projet immobilier. « Ce détournement existe de longue date », commente Philippe Crevel. « La réforme Lagarde visait d’ailleurs à éviter que le PEL ne se transforme en pur produit d’épargne. Mais les épargnants se sont adaptés et le volume des prêts épargne logement accordés reste en recul très net : -21,5% en 2013. »

Dans le même temps, l’anomalie PEL commence à peser sur les résultats des banques, obligées de servir un taux de 2,50% dans un contexte de marché très dégradé, tout en garantissant le capital placé. Plusieurs enseignes, à l’occasion de leurs récents résultats trimestriels, ont d’ailleurs chiffré cet « effet PEL » : le Crédit Agricole a par exemple annoncé avoir provisionné 23 millions d’euros pour le PEL au 3e trimestre 2014.

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Un coup de rabot possible ?

Détournement d’usage, impact sur le résultat des banques : ne serait-ce pas le moment de revoir les règles de fonctionnement du PEL ? « On pourrait effectivement décider de fiscaliser les intérêts des épargnants qui n’utilisent pas leurs droits à prêt », indique Philippe Crevel. « Cela pourrait se justifier d’un point de vue philosophique, mais ce ne serait pas très populaire ».

Le PEL, en effet, représente une part substantielle des économies des Français : plus de 207 milliards d’euros à la fin septembre 2014, répartis sur près de 13 millions de comptes, selon Philippe Crevel. Rogner sur les avantages du PEL, par exemple en supprimant le plancher actuel, c’est donc être assuré de déclencher un tollé. « Le gouvernement est bloqué » estime Philippe Crevel, qui rappelle qu’en début d’année, il avait envisagé de supprimer la prime d’Etat, avant de rapidement reculer.

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A court-terme, une réforme du PEL est donc plus qu’improbable. Dans le doute, il existe toutefois une solution, à destination des épargnants disposant d'un compte ouvert après la réforme mais depuis plus de deux ans (1) : le clôturer pour en réouvrir un nouveau dans la foulée, et repartir ainsi pour douze années d’épargne exonérée d’impôt sur le revenu, avec un taux garanti à 2,5% (2) pendant 15 ans.

(1) La rémunération d'un PEL clos avant son deuxième anniversaire est ramenée au niveau du CEL, soit 0,75% avant cotisations sociales.

(2) Contrairement au Livret A, par exemple, dont le rendement fluctue, le taux du PEL à l’ouverture est à l’heure actuelle garanti pour toute la durée de vie du produit.