Le projet de budget de la Sécurité sociale, soumis mardi au vote de l'Assemblée, prévoit à l'initiative des députés l'interconnexion automatique des données sur les montants des prestations sociales et leur vérification avec le fisc, afin de lutter contre la fraude.

L'objectif de la mesure, adoptée à l'unanimité via un amendement cosigné par le rapporteur Gérard Bapt et par l'UMP Pierre Morange, vise à concrétiser une proposition ancienne de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de Sécurité sociale (MECSS), qui avait recommandé de finaliser rapidement la mise en place du répertoire national commun de protection sociale (RNCPS), en y incluant les montants des prestations versées.

A compter du 1er janvier 2016, si le texte est définitivement voté en l'état, ce répertoire national commun de protection sociale, qui permet de croiser les données avec le fisc, donnera la possibilité à l'ensemble des organismes sociaux (famille, vieillesse, chômage, etc) d'avoir accès de manière automatique aux montants des prestations versées. De tels échanges « existaient déjà mais pas de manière automatique : ils avaient lieu à la demande », a affirmé Gérard Bapt lors du débat dans l'hémicycle.

« Lutter contre la fraude fiscale et la fraude sociale »

« Il ne faut pas se contenter de contrôler l'éligibilité aux droits, mais le montant des prestations : ainsi nous lutterons tout à la fois contre la fraude fiscale et la fraude sociale, et nous mettrons en lumière des économies à caractère souterrain dans certaines parties du territoire », a expliqué Pierre Morange.

Pas favorable initialement à la mesure, le gouvernement, par la voix de la secrétaire d'Etat Laurence Rossignol, a objecté au départ que le répertoire n'était pas conçu « pour stocker des données », mais aussi qu'il y avait « des incertitudes juridiques que la Commission nationale informatique et libertés ne manquerait pas de soulever ».

Les députés UMP ont vivement répondu. Pierre Morange a contesté son argument juridique, Jean-Pierre Door a défendu « l'outil anti-fraude par excellence (...) cela existe déjà dans certains pays ». « Ce sont toujours les mêmes cabinets ministériels qui nous font les mêmes réponses depuis des années : c'est désespérant (...) Écoutez les députés ! », a plaidé Dominique Tian, dont la lutte contre la fraude sociale constitue l'un des chevaux de bataille.

Touraine s'en remet « à la sagesse de l'Assemblée »

De même, Gérard Bapt a appelé à une adoption dès la première lecture de cet amendement, quitte à en reparler en deuxième lecture avec une information sur les questions liées à la Cnil. Finalement, la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine s'en est remise « à la sagesse de l'Assemblée », espérant que que « le travail se poursuivra dans un bon esprit, en tout cas avec le groupe majoritaire puisque j'ai le sentiment que l'opposition ne nous entend pas ».

En dehors de cette mesure, le gouvernement attend 75 millions d'euros d'économies en 2015 de la lutte contre la fraude.