Le projet de loi de finances pour 2015 modifie complètement le mode de calcul de la décote, qui permet d'alléger la facture fiscale des contribuables les plus modestes. L'objectif du gouvernement est ainsi de pérenniser la « réduction Valls », appliquée cette année pour répondre au « ras-le-bol fiscal » de certains Français. Mais le dispositif choisi comporte toujours des effets pervers et met à mal le principe de progressivité de l'impôt. Explications.

Comment fonctionne la décote d’impôt ?

La décote est une réduction de l’impôt brut - c’est-à-dire du montant calculé par l’application du barème progressif - quand celui-ci est inférieur à un certain niveau. Ce mécanisme existe, dans sa forme actuelle, depuis 2001. Pour 2014, cette réduction s'appliquait aux impôts bruts inférieurs à 1.016 euros pour un montant égal à la différence entre 508 euros et la moitié du montant de ces impôts bruts. Par exemple : 800 euros d’impôts bruts donnait droit à une décote de 108 euros, soit un impôt à régler de 692 euros.

Avec le projet de loi de finances pour 2015, le mode de calcul de la décote est complètement modifié. Tout d’abord, une distinction est désormais faite entre les contribuables, selon leur statut conjugal, sur le seuil de la décote : 1.135 euros pour les célibataires, divorcés ou veufs, et, 1.870 euros pour les couples (mariés ou pacsés) soumis à imposition commune. Le calcul en lui-même de la décote est modifié : son montant est égal à la différence entre le seuil (1.135 ou 1.870 euros) et le montant d’impôt brut. Soit, toujours pour un montant brut de 800 euros, une décote de 335 euros pour une personne seule, ou un impôt complètement effacé pour un couple.

A l’augmentation de l’effet de ce mécanisme de la décote vient s’ajouter un aménagement du barème de l’impôt qui supprime la tranche d’imposition à 5,50% mais rend applicable celle à 14% dès 9.690 euros (contre 11.991 euros, actuellement).

La motivation annoncée par le gouvernement pour ces aménagements est de pérenniser la « réduction Valls » de 350 ou 700 euros qui était appliquée de manière transitoire sur l’impôt 2014 (sur les revenus de l’année 2013) pour des revenus inférieurs à l’équivalent de 1,1 Smic. La décote est présentée elle, comme un dispositif « assurant une entrée progressive dans l’impôt ».

Pour illustrer ces multiples changements, le document joint donne la représentation graphique, en fonction d’un revenu net fiscal (revenu net des frais professionnels ou revenu fiscal de référence) du montant d’impôt sur le revenu à régler dans trois configurations : celui de l’impôt 2014 comme il était prévu l’année dernière (sans la réduction Valls mais avec la décote), celui de l’impôt 2014 comme il a été pratiqué (avec la réduction Valls) et celui de l’impôt 2015 (comme le prévoit actuellement le projet de loi de finances). La figure A représente la situation d’un couple, la figure B, celle d’une personne seule.

Les effets pervers de la décote

Le mécanisme de la décote est séduisant au premier abord : il diminue (ou annule) le montant de l’impôt à régler uniquement pour les plus modestes par rapport à la simple application du barème progressif. A l'inverse, sa conséquence est que, pour une situation de revenus où la décote s’applique, tout revenu supplémentaire sera davantage taxé car il diminue dans le même temps le montant correspondant de la décote. En amplifiant les hausses d'impôts, il a certainement contribué à l'expression du ras-le-bol fiscal.

Exemple : pour une hausse d'impôt de deux euros, c'était également un euro de moins pour la décote, soit un total à payer de trois euros. Et, en essayant de compenser ces hausses et leurs effets induits, en introduisant la réduction Valls, le remède a peut-être été pire que le mal. En 2014, il y a ainsi certaines situations absurdes au niveau d’un revenu autour de 1,1 Smic. Pour un célibataire déclarant un salaire annuel de 15.328 euros (soit 1,1 SMIC), il devait payer 13 euros d’impôt sur le revenu (sans tenir compte de la prime pour l’emploi). Un surplus de salaire de seulement 100 euros faisait monter sa note à 123 euros. Soit 110 euros d’impôt en plus !

Un taux d’imposition intermédiaire de 28%

Avec le projet de loi de finances pour 2015, si l’effet induit par la décote est finalement moins chaotique (voir figures) que la combinaison décote + réduction de 2014, il n’en demeure pas moins important. Par exemple, un célibataire avec un RFR de 14.500 euros devra payer 211 euros d’impôt sur le revenu. Mais s’il gagne 1.000 euros de plus, il devra en débourser 491. Soit une taxation de 280 euros pour ces 1.000 euros supplémentaires. L’équivalent d’un taux d’imposition intermédiaire de 28% !

De manière plus générale, toutes les sommes supplémentaires pour un célibataire entre 13.743 et 17.797 euros seront taxées à 28%, puis à 14% au-delà. Pour un couple, cela concerne la tranche des revenus compris entre 26.059 et 32.737 euros qui seront taxés à 28%. Ce taux de 28% correspond au taux d’imposition standard à 14% avec un effet multiplicateur de 2 (contre 8% ou 21% en 2014, soit un taux d’imposition de 5,5% ou 14% avec un multiplicateur de 1,5).

Cette décote revient finalement à appliquer un barème avec une progressivité difficile à justifier : 0%, 28%, 14%, 30%, 41% et enfin 45% !

C’est un phénomène dont nous vous avions déjà parlé, indirectement, avec l'impact des revenus de placement sur les feuilles d'imposition. A lire ou à relire : comment déjouer la fiscalité pour battre le rendement du Livret A, quels sont les vrais taux d’imposition des placements.