La banque suisse Julius Baer a été mise en examen en juin pour blanchiment dans une des enquêtes menées à Paris sur la gigantesque fraude à la TVA sur le marché des quotas de CO2, a appris l'AFP vendredi de sources concordantes.

La banque est soupçonnée d'avoir accueilli sur un compte ouvert en Suisse des fonds provenant de ces escroqueries sans mener les vérifications nécessaires et alors que des signaux sur leur origine douteuse auraient pu l'alerter, a expliqué une source proche du dossier. Spécialisé dans la gestion de fortune, Julius Baer est un des plus importants établissements financiers en Suisse.

Interrogée par l'AFP, la banque a affirmé qu'elle « (coopérait) avec les autorités françaises dans le cadre des possibilités légales afin de clarifier la situation et de préserver ses intérêts ».

Une perte de 1,6 milliard d'euros pour le fisc français

Plusieurs enquêtes sont en cours en France sur cette fraude colossale au marché du carbone, qualifiée par certains d'« escroquerie du siècle » et dont la Cour des comptes avait estimé en 2012 qu'elle a pu coûter 1,6 milliard d'euros au fisc français. Europol avait estimé la perte à cinq milliards d'euros au niveau européen.

Cette escroquerie était une fraude classique à la TVA, qui s'appliquait au marché européen des quotas de carbone, conçu pour échanger des droits à polluer et dont la philosophie était de lutter contre les gaz à effet de serre. Concrètement, des sociétés fictives achetaient des droits d'émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger, avant de les revendre en France à un prix incluant la TVA, puis d'investir les fonds dans une nouvelle opération. La TVA, elle, n'était jamais reversée à l'Etat.

La mise en examen de la banque Julius Baer a été ordonnée par le juge d'instruction Guillaume Daïeff dans le dossier dit « Crépuscule », du nom d'une société qui opérait sur le marché des quotas carbone.

Jusqu'à 7 ans de prison dans un dossier similaire

Début septembre, la cour d'appel de Paris a prononcé des condamnations allant jusqu'à sept ans de prison dans un dossier similaire, avec 43 millions d'euros de dommages et intérêts. Dans un autre procès, un prévenu en fuite a été condamné en appel à Paris à cinq ans de prison et 65 millions d'euros de dommages et intérêts.