Fin 2011, le régulateur bancaire a publié une série de recommandations afin que les banques améliorent le traitement des réclamations de leurs clients. Les grands réseaux continuent toutefois de « percevoir la réclamation comme une contrainte » selon une étude menée par le cabinet de conseil Ailancy. Pourquoi ? Et comment améliorer cet aspect du service clients ? Les réponses de Sadik Filipovic, associé d’Ailancy et co-auteur de l’étude.

Sur la base de votre étude, réalisée auprès de plusieurs grands établissements français (1), estimez-vous que les recommandations de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sont respectées ?

« Oui, du moins dans notre échantillon. Mais notre étude allait plus loin que ces recommandations puisque nous nous sommes aussi intéressés à la performance globale des banques dans le domaine de la gestion des réclamations. Sur la base de notre modèle de performance, la note moyenne des banques est de 19/30. »

Peut mieux faire, donc… Les banques assurent-elles toutes le suivi des recommandations clients de la même manière ?

« Non car la définition même de la réclamation diverge d’un établissement à un autre. Dans certaines banques, seules sont comptabilisées les réclamations écrites, d’autres incluent les retours de clients par téléphone. Suite aux recommandations de l’ACPR, la définition a tout de même tendance à s’uniformiser. Avant les banques se bornaient à une approche purement juridique, donc principalement basée sur l’écrit. Certaines évoluent vers une approche plus large prenant en compte les réclamations par téléphone, les réseaux sociaux, etc. »

Que se passe-t-il concrètement dans la banque quand un client fait une réclamation par téléphone ou en agence ?

« S’il arrive à joindre son conseiller, il lui explique son problème, souvent lié à des frais non justifiés. Dans ce cas, typiquement, le conseiller règle le problème et indique à son client que le trop prélevé a été remboursé, mais sans forcément remonter l’information au service réclamations centralisé. Les services centraux n’ont donc jamais d’information à propos de cette réclamation alors que c’en est une ! Deuxième cas de figure : il n’arrive pas à joindre son conseiller ou celui-ci n’a pu lui donner satisfaction. Le client contacte alors le centre de relations clients ou envoie un e-mail aux services spécialisés dans le traitement de réclamations. Là, nous sommes dans le processus standardisé. »

Quand le client fait une réclamation, en combien de temps obtient-il une réponse ?

« L’ACPR demande aux banques de notifier le client (accuser réception de la demande, NDLR) sous 10 jours et les réclamations doivent être traitées dans les 60 jours. En réalité, les banques sont plus performantes que cela. Il est difficile de donner une statistique précise mais il faut, sauf complication, 5 ou 6 jours aux banques pour apporter réponse et résolution à une réclamation. Le meilleur délai que nous avons constaté, c’est une notification au bout de 24 heures pour une demande par e-mail, 48 heures pour le courrier. »

Pourquoi affirmez-vous que la réclamation est vue comme une contrainte par les conseillers clientèle ?

« Aucun établissement ne fait d’enquête de satisfaction une fois les réclamations traitées. Dans d’autres secteurs, certaines sociétés le font systématiquement après une réclamation, puis, en fonction des résultats, en profitent pour proposer un nouveau produit par exemple. Car, ce que l’on observe, c’est que les clients deviennent plus fidèles si les réclamations sont bien gérées. On ne peut pas toujours répondre favorablement mais, ce qui compte, c’est que le client comprenne que sa demande est prise en compte et qu’il obtienne une réponse cohérente. »

Comment améliorer ce service clients ?

« Il faut sortir de la logique du simple traitement de la réclamation. Exemple, une banque en ligne a pris l’habitude, à chaque opération, de proposer une évaluation à ses clients (plus ou moins facile, etc.). Cela permet d’améliorer les services au fur et à mesure. Je pense que la réclamation ne doit à terme concerner que des cas graves ou du moins devenir l’exception : il faut pour y parvenir être plus systématiquement dans un processus d’échange qui permet de détecter en amont ce qui pose problème. Deuxième point d’amélioration : veiller à ce que le service de réclamations clients travaille en collaboration avec les services opérationnels. Afin de faire en sorte que les erreurs (formulation confuse dans un contrat, frais qui n’auraient pas dû être prélevés, etc.) ne se reproduisent plus. »

Au niveau des réseaux sociaux, estimez-vous que les initiatives de la Société Générale ou d’ING Direct, pour exemples, de créer un compte Twitter dédié au SAV sont positives ?

« Tout à fait. Pour l’instant, dans la plupart des banques, les réseaux sociaux sont gérés par la communication et les doléances des particuliers qui y sont exprimées ne remontent pas systématiquement jusqu’aux services concernés. Ces initiatives vont donc dans le bon sens. Après, il faut qu’il y ait des échanges efficaces entre les community managers, qui gèrent ces comptes, et le service réclamations, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui. »

(1) Les résultats de cette étude sont anonymes.