Le Conseil constitutionnel va devoir se prononcer sur le fonctionnement de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), auquel Stéphane Richard, renvoyé devant cette juridiction en lien avec l'affaire Tapie, reproche notamment de ne pas garantir un procès équitable.

Créée en 1948, la CDBF est une juridiction administrative spécialisée, qui peut prononcer des peines d'amende pour des manquements graves d'agents d'organismes publics soumis au contrôle de la Cour des comptes. Stéphane Richard, qui était directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde au moment des faits, a été renvoyé devant elle fin 2013 pour son rôle dans l'affaire de l'arbitrage sur la vente d'Adidas.

Des dispositions jugées contraires aux droits de la défense

Jean-François Rocchi et Bernard Scemama, anciens dirigeants du CDR et de l'EPFR, les deux organismes qui géraient l'héritage et le passif du Crédit Lyonnais, ont également été renvoyés devant la Cour de discipline budgétaire. Les trois mis en cause ont chacun soumis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), interrogeant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles du code des juridictions financières qui définissent le fonctionnement de la CDBF. Pour eux les dispositions relatives à l'instruction au sein de cette cour seraient contraires aux droits de la défense, au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable.

MM. Richard, Rochi et Scemama posent également la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution d'un autre article qui énonce que les poursuites devant la CDBF ne font pas obstacle à une action pénale ainsi qu'à une action disciplinaire. Pour eux, cet article contrevient à la règle dite du « non bis in idem » (« pas deux fois pour la même chose »), qui proscrit la possibilité de juger deux fois les mêmes faits. Il s'agit d'un vieux principe de droit consacré par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Estimant que la question présentait un caractère sérieux, selon l'expression consacrée, le Conseil d'Etat a décidé de la transmettre au Conseil constitutionnel. Dans le volet pénal de cette affaire, Stéphane Richard et Jean-François Rocchi ont été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, incrimination qu'ils contestent. C'est également le cas du juge-arbitre Pierre Estoup, de Bernard Tapie et de son avocat Maurice Lantourne.

Les juges soupçonnent que la sentence mettant fin au long conflit entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais sur la vente d'Adidas ait été entachée d'une entente préalable illicite, avec l'approbation du pouvoir de l'époque.