Le procureur a requis mercredi de la prison ferme contre trois des cinq prévenus qui comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris pour des opérations réalisées sur le titre du groupe Pechiney quelques jours avant qu'il ne soit l'objet d'une OPA, en juillet 2003.

Alors salarié de la banque américaine Morgan Stanley, Xavier Thoma est soupçonné d'avoir fait bénéficier son frère Charles et une connaissance, Stefano Moccia, de l'information relative au projet d'offre publique d'achat (OPA) du géant canadien Alcan sur Pechiney.

MM. Thoma et Moccia avaient acheté, principalement en juin, plusieurs dizaines de milliers de titres Pechiney ainsi que des warrants, des produits financiers permettant d'acheter une action à un prix et une échéance données. Peu après l'annonce publique de l'OPA, le 7 juillet 2003, ils avaient cédé leurs titres, réalisant une plus-value de 1,25 million d'euros pour Charles Thoma et 1,53 million d'euros pour Stefano Moccia. Stefano Moccia avait également fait bénéficier de l'information deux autres personnes, qui avaient également réalisé des plus-values sur le titre Pechiney et ont été également renvoyées en correctionnelle.

La procureure financière adjointe, Lovisa-Ulrika Delaunay-Weiss, a requis un an d'emprisonnement ferme à l'encontre de MM. Charles Thoma et Stefano Moccia, ainsi qu'un an dont six mois avec sursis contre Xavier Thoma. La représentante du parquet financier a également demandé que soit prononcée une amende de 2 millions d'euros chacun contre Charles Thoma et Stefano Moccia, ainsi qu'une amende de 500.000 euros pour Xavier Thoma. Quatre des cinq prévenus ont déjà été sanctionnés à hauteur de 100.000 à 1,5 million d'euros en 2008 par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

« Ce sont des infractions sans cadavre, sans victime », a reconnu Mme Delaunay-Weiss, pour qui « c'est pour cela que la sanction doit faire passer un message ». « Pour moi, les cinq personnes que vous jugez sont l'illustration de ce qu'est devenu ce système » financier, caractérisé par une dérive qui a abouti à la crise financière de 2008, a estimé la procureure.

« Attitudes scandaleuses »

Elle a fustigé les « attitudes inadmissibles voire scandaleuses » des prévenus, dont seuls deux ont assisté aux débats, à une partie seulement d'ailleurs.

Outre les trois principaux protagonistes, elle a requis une peine de douze mois avec sursis contre Giovanni Di Natale, assorti d'une amende de 500.000 euros, et une amende de 300.000 euros pour Andrea Romanazzi.

Pour la procureure, Xavier Thoma avait bien été mis au courant du projet d'OPA dès fin mai 2003, comme en atteste, selon elle, l'audition du directeur opérationnel de Morgan Stanley à Londres, ainsi que le fait qu'il ait quitté la banque quelques heures après l'annonce de l'offre d'Alcan sur Pechiney. Xavier Thoma a toujours nié avoir communiqué des informations privilégiées relatives à cette offre.

Quant aux achats de titres, ils ont été réalisés sur une période « très courte » et par le biais de véhicules offshore, ce qui « emporte (sa) conviction qu'il s'agit de raids d'opportunité (menés) grâce à une information privilégiée », selon la procureure.

La défense des prévenus a opposé à ces arguments le fait que MM. Charles Thoma et Stefano Moccia avaient déjà réalisé des opérations sur le titre Pechiney en février 2002, date à laquelle Xavier Thoma ne pouvait détenir d'information sur l'OPA à venir. « Ces achats de 2002, c'est le caillou dans la chaussure », a plaidé Me Charlotte Plantin, conseil de Stefano Moccia.

Charles Thoma et Stefano Moccia ont toujours soutenu avoir réalisé ces achats sur la base de leur analyse de l'évolution du cours du titre.