Depuis le 1er février 2014, les prélèvements sont censés passer au nouveau format européen, le SEPA. Une transition qui s’est faite généralement en douceur pour les usagers, mais qui a nécessité des adaptations du côté des banques. Le point sur ce qu’ont mis en place les principales enseignes françaises.

Il y a deux mois, le 21 janvier 2014 à l’occasion d’un point presse consacré aux tarifs bancaires, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir lançait « l’alerte » : « Le prélèvement SEPA a également des conséquences considérables pour les consommateurs », déclarait Alain Bazot, le président de l’association. « Pourtant, le sujet reste parfaitement confidentiel, à part quelques initiés. » En cause selon lui, les banques, qui auraient omis d’informer correctement leurs clients.

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Le passage du prélèvement national au prélèvement européen, dans le cadre du déploiement de l’Espace unique des paiements en euros (SEPA, pour Single European Payments Area), a-t-il autant d’impact que cela sur les usagers ? La transition, en tout cas, s’est faite, sauf accident, de manière transparente, sans qu’ils aient besoin d’intervenir. Pour autant, ce changement de norme modifie assez considérablement la mise en place et l’utilisation des prélèvements, beaucoup plus que pour le virement qui a lui aussi migré vers le SEPA.

L’évolution la plus sensible concerne l’autorisation de prélèvement (ou mandat), par lequel l’usager autorise son créancier à prélever son compte. Dans le cadre du prélèvement national, ce mandat était double : un destiné au créancier, l’autre à la banque, qui pouvait ainsi vérifier la validité du débit lorsqu’il se présentait. A l’ère du SEPA, le mandat devient simple : il n’est plus détenu et géré que par le créancier, la banque se contentant de procéder, sans plus de vérification, au paiement. La mise en place du prélèvement s’en trouve facilitée, mais moins sécurisée, selon l’UFC-Que Choisir.

Une série de garde-fous

Pour prévenir d’éventuelles fraudes, le règlement SEPA prévoit toutefois un certain nombre de garde-fous. Le client peut d’abord, comme c’était déjà le cas depuis 2009, demander le remboursement d’une échéance, y compris si le mandat est valide, dans un délai de 8 semaines. En cas de débit non autorisé, ce délai passe à 13 mois et la banque est tenue de lui rembourser la somme indûment prélevée, comme c’est le cas par exemple pour les fraudes à la carte bancaire.

Mais le règlement SEPA va encore plus loin, en mettant en place de nouvelles limitations. Le client peut ainsi demander à sa banque de :

  • mettre en place une « liste blanche » de créanciers autorisés à débiter son compte, à l’exclusion de tous les autres ;
  • mettre en place une « liste noire » de créanciers interdits de débiter son compte ;
  • limiter le montant et la fréquence des prélèvements, pour chaque créancier ;
  • interdire tout prélèvement sur son compte.

C’est notamment sur ce point que l’UFC-Que Choisir a critiqué les banques : pour l’association, aucune n’avait, fin janvier, correctement informé leurs clients sur ces nouvelles possibilités. Deux mois plus tard, nous avons fait un nouveau point, en demandant à un échantillon de banques (1) de nous expliquer comment elles avaient informé leurs clients de l’arrivée du prélèvement SEPA, et de leurs nouveaux droits.

Continuité de service

Toutes, sans surprise, estiment avoir bien préparé le terrain. BNP Paribas, rare banque à avoir été épargnée par l’UFC-Que Choisir, a joint au relevé de compte de ses clients une brochure d’informations - « Ce qu’il faut savoir sur le SEPA » - aux relevés de compte papier. Plus original, elle a produit début mars un MOOC, un cours en ligne ouvert à tous, sur le sujet. Banque digitale oblige, Boursorama s’est plutôt appuyée sur ses newsletters et sur des envois d’emails ciblés. Elle a également ajouté sur son site un onglet dédié au SEPA. La Société Générale, enfin, a édité un dépliant papier, disponible en agences et, en version numérique, sur son site internet. Le SEPA a également été évoqué dans la lettre d’informations jointe en février aux relevés de compte de ses clients.

Toutes, pour autant, n’ont pas informé sur le même ton, notamment en ce qui concerne le risque de fraude. BNP Paribas a choisi d’évoquer ouvertement la question dans sa communication. Pas la Société Générale. « Nous avons voulu faire passer un message de continuité de service », explique Isabelle Grenier, responsable du projet SEPA au sein de la banque rouge et noire. « Nous ne voulons pas, en effet, créer de phénomènes anxiogènes. Nous n’avons donc pas parlé de fraude, car nous ne voulons pas laisser penser que ce nouveau moyen de paiement est plus risqué que le précédent. Nous avons par contre mis l’accent sur le fait que le client peut garder le contrôle. »

La Société Générale privilégie le contact en agence

Ces différences d’approches se retrouvent dans l’accès des clients aux systèmes de limitation évoqués plus haut. Chez BNP Paribas, les « listes blanches » et « noires » sont consultables auprès des conseillers en agence, par téléphone, mais aussi dans l’espace client du site internet. Du côté de Boursorama Banque, les clients peuvent, depuis le site internet, faire opposition à une échéance précise, en demander le remboursement, mais aussi choisir de révoquer ou de suspendre provisoirement un mandat de prélèvement.

Par contre, la Société Générale a choisi de privilégier le contact direct. « Ces services de limitations sont, en première approche, très protecteurs, mais nécessitent des explications » estime Isabelle Grenier. « Nous avons constaté, parmi les clients qui les ont demandés, que ces nouveaux garde-fous étaient potentiellement générateurs d’insatisfaction, parce que le client peut oublier certains prélèvements, oublier de mettre à jour la liste et faire face à des rejets, des ruptures de services et des pénalités financières. » Les clients peuvent ainsi constituer des « listes blanches » de créanciers, « mais en agence seulement, en compagnie d’un conseiller qui pourra mettre en garde le client. »

Nouvelles lignes de frais

Dernier sujet : les tarifs. Les banques ont-elles modifié leur tarification en matière de prélèvements depuis le passage au SEPA ? Non, répondent BNP Paribas, Boursorama et la Société Générale. Dans les deux premières, toutes les opérations liées au prélèvement (mise en place, opposition, révocation d'un prélèvement, etc.) sont gratuites. La Société Générale, elle, continue de facturer la révocation de l’autorisation de prélèvement, bien qu’elle ne gère plus directement le mandat.

Mais cette modération ne concerne pas toutes les banques. Si la facturation de la mise en place et du passage des échéances de prélèvement tend à se raréfier, l’UFC-Que Choisir a dénoncé l’adaptation tarifaire de certaines enseignes, dont certaines facturent désormais des frais d’information lors du passage d’un nouveau prélèvement SEPA, y compris si celui-ci est en fait un ancien prélèvement national converti à la nouvelle norme.

Voir par ailleurs : notre comparatif des frais de prélèvement bancaire

(1) Boursorama Banque, BNP Paribas et Société Générale. ING Direct, CIC et BPCE, également contactées, n’avaient pas donné suite à nos questions à l’heure de publier cet article.