Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi la création d'un fichier national recensant tous les crédits à la consommation accordés aux particuliers, voulue par le législateur au nom de la lutte contre le surendettement, mais qui a été jugée attentatoire au respect de la vie privée.

« Le Conseil constitutionnel a jugé que la création du registre national des crédits aux particuliers porte une atteinte au droit au respect de la vie privée qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi », écrivent les Sages du Palais Royal dans leur décision.

Dans son avis, le Conseil juge louable les motifs à l'origine de cette disposition, l'une des pièces maîtresses de la loi Hamon sur la consommation adoptée définitivement le mois dernier par le Parlement. Cependant, il estime surdimensionné le dispositif envisagé, en relevant que le fichier voulu par le gouvernement aurait contenu les données à caractère personnel d'un très grand nombre de personnes (plus de 12 millions), alors que plusieurs dizaines de milliers d'employés de crédit auraient été autorisés à les consulter.

Cette lourdeur du dispositif - les données devaient en outre être conservées plusieurs années - faisaient que les sociétés de crédit étaient farouchement opposées à sa création. D'autant que la loi Lagarde, votée sous le précédent gouvernement, a déjà sérieusement bridé leur rentabilité. Le Conseil constitutionnel a repris ainsi l'argumentaire des sénateurs UMP qui avaient argué le mois dernier des menaces que faisaient planer sur le respect de la vie privée la création d'un tel fichier pour en demander la censure.

Un serpent de mer controversé

L'idée de la création de ce « registre national des crédits aux particuliers » est un serpent de mer que le lobby bancaire a toujours réussi jusqu'ici à faire capoter. Elle avait été relancée en décembre 2012 par le gouvernement à l'issue de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté. Le projet ne figurait pas dans la première mouture de la loi Hamon, mais avait été réintroduite par la suite par le gouvernement par voie d'amendement.

Bercy faisait alors valoir que 87% des dossiers de surendettement déposés en 2012 comportaient des crédits à la consommation. Mais pour la profession, la loi ratait sa cible. « En 2012, environ 220.000 dossiers de surendettement ont été déposés. Sur ce flux, on peut estimer que 15.000 à 20.000 sont liés à un excès de crédits. Le reste est principalement dû à des accidents de la vie, comme le chômage ou la maladie. Autrement dit, pour la grande majorité des cas, le fichier positif ne serait d'aucun effet », soulignait il y a quelques semaines à l'AFP François Langlois, directeur des relations institutionnelles de BNP Paribas Personal Finance.

Le président de l'UFC-Que choisir « très satisfait »

Pour désamorcer les critiques sur la lourdeur du dispositif, qui aurait pu concerner 25 millions de personnes, le gouvernement en avait exclu les crédits immobiliers et les crédits renouvelables non utilisés.

Alain Bazot, président de l'association de consommateurs UFC-Que choisir, s'est déclaré auprès de l'AFP « très satisfait que cette verrue ait été supprimée du texte ». « On n'avait pas compris l'entêtement du gouvernement sur un dispositif qui n'était pas dans le projet de loi initial, et sur lequel il avait été alerté par le Conseil d'Etat. Il s'est entêté sur un dispositif dont on n'a cessé de lui dire qu'il était coûteux et inefficace ». Le fichier positif belge « n'a pas empêché l'augmentation très importante du surendettement des Belges », a fait valoir Alain Bazot.

L'action de groupe validée par les Sages

Le Conseil a par ailleurs validé les autres grandes dispositions de la loi Hamon contestées par l'opposition, notamment la création d'une action de groupe, qui permet aux consommateurs de se regrouper pour obtenir plus facilement réparation d'un préjudice. Il a aussi validé les dispositions du texte sur la vente de produits d'optique et sur le droit de résiliation unilatéral du contrat d'assurance garantissant un emprunt immobilier.