Progressivement vidé de sa substance, le Plan Epargne Logement (PEL) continue pourtant à coûter très cher aux banques. A tel point qu'elles rêvent de convaincre leurs clients détenteurs de plans d'ancienne génération, de les fermer. Voici pourquoi.

C’est l’histoire d’un produit d’épargne réglementé, conçu par les pouvoirs publics pour orienter les ménages vers l’accession à la propriété, devenu au fil des années un pur produit d’épargne, et une épine dans le pied des banquiers. Un produit dépassé mais qui présente de tels avantages que ceux qui en détiennent un refusent généralement de le fermer. Son nom : le Plan Epargne Logement (PEL).

Né en 1969, le PEL n’avait à l’origine qu’un objectif : encourager les ménages à se constituer un pécule, au cours d’une phase d’épargne d’une dizaine d’années, puis de le solder pour financer l’apport d’un achat immobilier. Pour les y convaincre, le plan leur offrait une exonération d’impôts sur les intérêts, une prime d’Etat et, à son terme, d’un taux de crédit immobilier avantageux.

A consulter : les anciennes générations de PEL

Un « deal » caduque depuis longtemps

Le « deal » originel a fonctionné jusqu’au début des années 1990. A l’époque, le taux effectif moyen des prêts immobiliers à taux fixe, mesuré par la Banque de France, dépassait régulièrement les 11% (11,65%, par exemple, pour le 4e trimestre 1990). Le Livret A était, lui, rémunéré 4,50%. Le PEL présentait donc le double avantage d’offrir une meilleure rémunération, à 6% pendant la phase d’épargne, et de vous faire bénéficier à terme (10 ans, normalement) d’un prêt immobilier à taux défiant toute concurrence à l’époque : 6,32%.

Depuis cette date toutefois, les taux moyens des crédits immobiliers n’ont cessé de baisser, passant durablement sous les 5% après la crise des subprimes, puis sous les 2% en 2015, pour atteindre 1,20% en novembre 2019, selon la Banque de France. Dans le même temps, le PEL a perdu sa vocation première - se constituer un prêt complémentaire à taux réduit pour le financement de sa résidence principale -, d’autres dispositifs ayant par ailleurs pris le relais : la déduction des intérêts d’emprunt à certaines périodes, le prêt à taux zéro, mais aussi l’allongement des durées d’emprunt et les financements dits à 110%, avec peu ou pas d’apport.

Un PEL raboté depuis 2011

De moins en moins intéressant dans l’optique d’un achat immobilier, le PEL est en revanche resté un excellent placement, sans risques et surtout très bien rémunéré. Et ce pour deux raisons. La première : il est imperméable aux évolutions du contexte de taux, puisque son taux initial est garanti durant toute la vie du produit. La seconde : au terme de la phase d’épargne de 10 ans, le produit ne peut plus être abondé, mais pouvait, pour les plans ouverts jusqu’en 2011, être conservé indéfiniment. Résultat : en période de taux bas, comme c’est le cas actuellement, les vieux PEL continuent à afficher des rendements hors normes.

Il fallu attendre les années 2000 pour voir les pouvoirs publics s’attaquer progressivement aux effets d’aubaine du produit, en plusieurs étapes : suppression du droit à prime automatique en décembre 2002, fiscalisation des PEL de plus de 12 ans en janvier 2006, limitation de la durée de vie à 15 ans en mars 2011, fiscalisation des intérêts dès la première année en août 2018… Et bien sûr, baisse des taux de rémunération jusqu’à 1% depuis le 1er août 2016, achevant ainsi de ramener le produit dans la norme actuelle.

A consulter : le fonctionnement du PEL actuel

Des vieux PEL qui coûtent cher aux banques…

Reste toutefois la question du stock d’anciens PEL, ouverts pour certains au 20e siècle, et qui conservent indéfiniment leurs rémunérations d’un autre temps. Selon la Banque de France, le taux moyen du stock des PEL ouverts était ainsi en novembre 2019 de 2,65%. Sur les 14 millions de plans ouverts fin 2018, deux tiers d’entre eux, ouverts entre août 2003 et janvier 2015, étaient rémunérés à 2,50%, selon l’Observatoire de l’épargne réglementée. Pire : plus de 20% de l’encours du PEL (276 milliards d’euros au total fin 2018) étaient placés sur des PEL antérieurs à août 2003, et donc rémunérés à 3,27% ou plus.

Résultat : financer de telles rémunérations dans le contexte de taux actuel coûte extrêmement cher aux banques. Selon Les Echos, le coût des intérêts annuels dépasse actuellement les 7 milliards d’euros par an. Une charge qui pèse particulièrement sur 3 groupes bancaires : le Crédit Agricole, BPCE, avec la Caisse d’Epargne et la Banque Populaire, et la Banque Postale.

Lire sur le sujet : Combien le PEL coûte-il vraiment aux banques ?

…mais qui rapportent aux épargnants

Dans ce contexte, on comprend que les banques ne rêvent que d’une chose : voir leurs clients fermer leur vieux PEL, au profit de placements moins coûteux. Il n’est ainsi pas rare que des conseillers encouragent leurs clients dans ce sens, en leur proposant d’abonder à la place une assurance vie.

C’est souvent peine perdu, ces clients ayant vite fait leurs calculs. Même fiscalisés, les vieux PEL restent en effet imbattables à l’heure actuelle. Voici, génération après génération, leur rendement :

  • Du 01/07/1985 au 15/05/1986 : 4,75%
  • Du 16/05/1986 au 06/02/1994 : 4,62%
  • Du 07/02/1994 au 22/01/1997 : 3,84%
  • Du 23/01/1997 au 08/06/1998 : 3,10%
  • Du 09/06/1998 au 25/07/1999 : 2,90%
  • Du 26/07/1999 au 30/06/2000 : 2,61%
  • Du 01/07/2000 au 31/07/2003 : 3,27%

NB : ces taux sont ceux servis après les 10 ans du PEL, sur le solde hors prime.

Aucun placement à capital garanti ne fait mieux aujourd’hui : ni les livrets ordinaires (0,17% brut en moyenne en novembre 2019), ni le Livret A (0,75% net, probablement 0,50% à partir du 1er février 2020), ni même les fonds euros de l’assurance vie, attendus en moyenne autour de 1,4%, avant prélèvements sociaux et fiscaux, en 2019.

Fiscaliser les vieux PEL ?

Face à la difficulté à convaincre leurs clients de clore leurs plans de leur plein gré, les banques tentent d’activer d’autres leviers pour limiter le coût du PEL.

Selon Les Echos, certaines enseignes souhaiteraient que les pouvoirs publics planchent sur une fiscalisation des vieux PEL, pour encourager les clients à déplacer leur épargne. Mais le sujet est délicat. « (…) La nature rétroactive d'une telle mesure serait juridiquement compliquée », écrit ainsi le quotidien. « A moins de montrer que l'avantage fiscal accordé dans le passé était lié à une acquisition immobilière ».

Officiellement, le sujet n’est d’ailleurs pas à l’ordre du jour du côté du ministère de l’Economie. En attendant, les épargnants pourront donc sans doute encore profiter un moment de l’aubaine de détenir un vieux PEL.