En attendant la mise en place de l’Union bancaire, certaines mesures initiées par l’accord de Bâle III commencent à s'appliquer dès à présent au niveau européen. Objectif principal : prévenir d’éventuelles défaillances des établissements financiers. Tour d'horizon.

La crise des subprime a poussé les Etats à réguler l’activité bancaire. Si l’Union bancaire convenue par les ministres européens des Finances dans la nuit du 18 au 19 décembre répond à cette problématique, il existe déjà un accord international visant à éviter une nouvelle crise financière. L’accord de Bâle III a été ratifié en décembre 2010 par les 27 pays membres du Comité de Bâle. Certes, les Etats-Unis ont fini par botter en touche. Mais les pays européens restent engagés dans le processus. En résumé, il s’agit d’assurer une stabilité financière durable, notamment en obligeant les banques à disposer de plus de fonds propres qu’auparavant. Une incidence directe pour les particuliers ? Cette réforme pourrait se traduire par des produits d’épargne (livrets, comptes à terme, etc.) plus attractifs.

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Selon les termes de l’accord, l’entrée en vigueur des mesures de Bâle III aurait dû s’étaler du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2019. Problème, le « paquet CRD 4 », qui introduit dans le droit européen les mesures en question, n’a été publié au Journal officiel de l’Union européenne que le 26 juin 2013. En théorie, les nouvelles règles sont donc applicables à l’échelle européenne à partir du 1er janvier 2014.

Un règlement unique dès 2014

Qu’est-ce qui a changé au 1er janvier pour les banques françaises ? Le règlement CRR, l’une des deux parties du « paquet CRD 4 », « s’applique directement à l’ensemble des établissements des Etats membres » comme le souligne dans une fiche explicative la Fédération bancaire française (FBF).

Ce règlement a une portée symbolique. Il institue le Single Rulebook, un recueil réglementaire unique. Pour la première fois, l’ensemble des pays européens doivent se conformer aux mêmes règles prudentielles. Ce règlement de 337 pages (1) permet selon l’Autorité bancaire européenne (EBA) d’éviter la multiplication des règles nationales. Il institue par exemple l’harmonisation des exigences de fonds propres en Europe ou la mise en œuvre de procédures de transparence.

Objectif à terme : 7% de fonds propres « durs »

Si le cadre est posé, les éléments les plus concrets de la nouvelle réglementation dépendent de la directive CRD 4, seconde partie du « paquet CRD 4 ». Or cette directive doit faire l’objet d’une transposition en droit français. Son application attendra. Ainsi, les banques disposent d’un certain délai pour se conformer aux nouvelles exigences de fonds propres.

Rappel. Un ratio de solvabilité, de 8% de fonds propres, existe au niveau international depuis 1988 (Bâle I). Schématiquement, pour prêter 100 millions d’euros, une banque devait disposer de 8 millions d’euros en fonds propres. Le calcul s’est par la suite complexifié, en scindant les fonds propres en différentes catégories, plus ou moins facilement mobilisables, et en intégrant notamment la nature des risques pris en compte. L’accord de Bâle III porte le ratio de solvabilité global de 8% à 10,5%. Mais il porte surtout les exigences de fonds propres « durs », les plus mobilisables, de 2% à 7% (2). Par ailleurs, d’autres coussins de sécurité supplémentaires sont prévus dans les accords. Mais la mise en œuvre de ces exigences sera progressive. L’échéance est fixée au 1er janvier 2019.

Ratio de liquidité : les banques françaises en retard

Où en sont les banques françaises ? L’Autorité bancaire européenne a mené une série de tests pour tester la solvabilité des établissements financiers. Selon un communiqué de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) diffusé en octobre 2012, les principales banques françaises (3) respectaient au 30 juin 2012 l’objectif que l’EBA leur avait fixé : plus de 9% de core tier one, c’est-à-dire les fonds propres de meilleure qualité. Et aujourd'hui ? Dans sa fiche publiée à l’automne à ce propos, la FBF affirmait que les principales banques françaises s’étaient engagées à respecter le ratio de solvabilité exigé par Bâle III « au plus tard au 31 décembre 2013 ».

Toujours selon la FBF, elles doivent en revanche « faire des efforts encore plus importants pour se conformer au ratio de liquidité », qui concerne les éventuels besoins de liquidités à court terme. Là encore, pour ce nouveau ratio créé par Bâle III, la mise en œuvre attendra. Cette mesure sera introduite progressivement à partir de 2015 (4).

Les bonus des banquiers encadrés

Si les principales nouveautés de Bâle III n’entreront en vigueur qu’au cours des prochaines années, deux mesures concrètes s’appliquent à compter du 1er janvier 2014. Première d’entre elles : l’encadrement de la rémunération des banquiers. Désormais, les bonus ne pourront pas excéder le montant du salaire, sauf exception ou dérogation. Les premières primes concernées seront celles dont le paiement interviendra en 2015, sur la base des résultats de 2014.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier, les banques doivent théoriquement publier les profits réalisés, les impôts payés et les subventions reçues, pays par pays. La FBF souligne cependant dans sa fiche explicative publiée mi-novembre que « les nouvelles règles régissant les reportings des établissements seront fixées dans une norme réglementaire élaborée par l'EBA visant notamment à définir les formats, fréquences et délais de remise aux superviseurs nationaux ».

Mise à jour (3 janvier 2014) – La loi n°2014-1 du 2 janvier 2014, parue ce vendredi 3 janvier au Journal officiel habilite le gouvernement à transposer par ordonnance la directive CRD 4, l’une des deux parties du « paquet CRD 4 », en droit français dans les 8 prochains mois.

(1) Règlement n°575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n°648/2012.

(2) Le ratio minimum de « common equity tier one » est fixé à 4,5% contre 2% auparavant. S’ajoutent 2,5% de « capital conservation buffer », un coussin de sécurité supplémentaire portant le ratio de fonds propres « durs » à 7%.

(3) BNP Paribas, le Groupe BPCE, le Crédit Agricole et la Société Générale ont été testés.

(4) Un LCR (liquidity coverage ratio) de 60% est exigé en 2015. Il sera porté à 100% en 2018. Par ailleurs, un ratio de liquidité long terme devrait être institué par la Commission européenne d'ici fin 2016.