Dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014, le gouvernement a prévu d’harmoniser le taux de prélèvements sociaux applicable aux gains de l’assurance-vie, ce qui revient à alourdir la fiscalité de certains contrats anciens. Saisi par l’opposition parlementaire, le Conseil constitutionnel a retouché, sans la remettre en cause, la mesure. Explications.

La volonté du gouvernement est de modifier le régime de cotisations sociales de certaines assurances-vie, en harmonisant le taux de prélèvements sociaux appliqué aux gains réalisés sur certains de ces contrats. Jusqu’à présent, c’est le « taux historique », c’est-à-dire celui en vigueur au moment de la réalisation des gains, qui était pris en compte. Le gouvernement souhaite lui substituer le taux en vigueur au moment où le gain est acquis par l’assuré, c’est–à-dire au dénouement du contrat. La mesure concerne ainsi :

  • les gains réalisés sur des versements effectués avant le 26 septembre 1997, uniquement pour les unités de compte ;
  • les gains acquis avant 2011 sur les compartiments euros des contrats multi-supports. Depuis 2011, ces gains sont soumis au règlement des prélèvements sociaux au « fil de l’eau », chaque année au moment de l’inscription en compte des intérêts.

Très technique, le projet a pourtant suscité une assez forte polémique, dans un contexte plus général de dénonciation d’un « ras-le-bol fiscal ». Sous la pression, le gouvernement avait retiré le PEA, l'épargne salariale et l'épargne logement du champ d'application. Les parlementaires de l’opposition ont néanmoins décidé de saisir le Conseil constitutionnel, soupçonnant que la mesure puisse être rétroactive, et donc anti-constitutionnelle.

Réserve d’interprétation

Hier soir, les Sages ont tranché. Ils ont entériné le principe général du changement de régime de cotisations sociales des assurances-vie. Comme l’avait assuré le gouvernement, ils ont considéré que la mesure n’était pas rétroactive « s’appliquant à des prélèvements acquittés lors du dénouement du contrat ou du décès de l’assuré ». Ils ont également validé la date du 26 septembre 2013 pour l’application de la réforme : selon eux, ce choix, fait pour « éviter que l’annonce de la réforme n’entraîne immédiatement des effets contraires à l’objectif poursuivi (…) n’est pas contraire à la Constitution ».

Le Conseil constitutionnel a par contre introduit une « réserve d’interprétation » sur le texte, ce qui signifie qu’il n’est conforme à la constitution que dans la mesure où il est appliqué dans le sens voulu par l’institution. Cette réserve concerne les contrats d’assurance-vie souscrits entre le 1er janvier 1990 et le 25 septembre 1997. Elle exclut ainsi, pour ces derniers, « l’application des taux de prélèvements applicables à la date de dénouement du contrat ou du décès de l’assuré pour les produits acquis ou constatés au cours des huit premières années suivant l’ouverture du contrat. » Concrètement, pour les gains des huit premières années du contrat, les assureurs devront appliquer les taux historiques puis, pour les gains des années suivantes, le taux en vigueur au moment du dénouement du contrat.

Ainsi, pour un contrat d'assurance-vie ouvert le 12 septembre 1996 dont le rachat intervient à compter du 26 septembre 2013, la part des intérêts et plus-values jusqu'au 11 septembre 2004 doit être soumis aux taux historiques des cotisations sociales (0,5%, 3,9% 10% ou 10,3% selon les périodes). Les revenus générés après cette date seront soumis, eux, au taux en vigueur (15,5% actuellement). A celà, il faut ajouter les mécanismes de prorata pour les rachats partiels, ainsi que les compensations d'assiettes des rachats partiels précédents et des intérêts annuels des fonds en euros ayant déjà subis des prélèvements sociaux. Sans compter, bien sûr, le régime fiscal qui reste différent pour les revenus issus des versements antérieurs au 26 septembre 1997.

Les assureurs devront, pour réaliser tous ces calculs, retrouver la valorisation du contrat à son huitième anniversaire, ce qui ressemble à une mission impossible. De plus, ils devront recalculer les prélèvements pour tous les dénouements réalisés entre le 26 septembre et le 31 décembre 2013, pour la génération des contrats concernés. Bref, un véritable casse-tête qui devrait donner lieu au moins à une instruction fiscale.

« Attente légitime » des contribuables

Comment le Conseil constitutionnel justifie-t-il cette différenciation ? Cette période de huit ans correspond en fait à l’échéance à atteindre pour bénéficier d’une fiscalité optimale. Ce délai a été mis en place en 1990, afin d’encourager les épargnants à immobiliser leur capital sur leur assurance-vie.

« Outre une exonération d’impôt sur le revenu, l’application des taux de prélèvements sociaux « historiques » à ces produits est l’autre contrepartie attachée au respect de cette durée de (...) huit ans de détention des contrats », ont expliqué les Sages dans leur décision. « L’objectif d’augmentation du rendement des prélèvements sociaux appliqués aux produits des contrats d’assurance-vie (…) ne constitue pas un objectif d’intérêt général suffisant pour justifier que [ces produits acquis au cours des six ou huit premières années] fassent l’objet d’une modification des taux de prélèvements sociaux qui leur sont applicables. Ceci remettrait en cause l’attente légitime que les contribuables ayant respecté la durée de conservation peuvent avoir quant à l’application du régime d’imposition lié au respect de cette durée. »