La loi oblige normalement les compagnies d’assurance à s’informer du décès éventuel de leurs assurés et à rechercher les bénéficiaires des contrats. Toutefois, d’après Jean-Marie Levaux, pressenti pour prendre la vice-présidence de l’ACPR, certaines font preuve d’une passivité « scandaleuse » dans le domaine et vont être sanctionnées.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France, est chargée de veiller à la stabilité du secteur financier et à la protection des clients. Jean-Marie Levaux, 69 ans dont plus de trente ans passés au sein d’Axa, est pressenti pour prendre le poste de vice-président de l’institution, dont il est déjà membre du collège. La procédure veut que les nominations à ce poste reçoivent l’aval des commissions des finances des deux chambres. Jean-Marie Levaux a ainsi été auditionné à l’Assemblée nationale le 17 octobre, puis au Sénat le 24 octobre.

En ces deux occasions, le futur probable patron exécutif de l’ACPR a évoqué, entre autres sujets, celui des assurances-vie dites en déshérence, c’est-à-dire non réclamées par les bénéficiaires des contrats après le décès de l’assuré. Depuis 2005, une série de lois, dont la loi de régulation bancaire votée en juillet dernier, ont encadré les obligations des banques en la matière. Les assureurs doivent désormais s’informer chaque année du décès éventuel de tous leurs assurés. Si c’est le cas, ils ont l’obligation de rechercher les bénéficiaires du contrat. Toutefois, malgré ce cadre réglementaire, le problème reste prégnant : une enquête menée en 2011 par deux associations professionnelles du secteur des assurances, la Gema et la FFSA (1), chiffraient à 2,76 milliards le montant des encours non réclamés. Une estimation basse selon Didier Migaud, le président de la Cour des comptes, qui a rendu un rapport sur le sujet en juillet dernier.

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Face à l’ampleur du problème, l’ACPR a effectué, en 2012 et 2013, des contrôles dans plusieurs compagnies d’assurance. Et d’après Jean-Marie Levaux, s’adressant le 17 octobre à la Commission des finances de l’Assemblée, elle y a trouvé « des situations honteuses, scandaleuses ». « Nous avons effectué, entre la fin de l’année dernière et le début de cette année, un contrôle sur une société d’assurances filiale d’un groupe bancaire » a raconté M. Levaux aux députés. « (…) Je ne trouve pas d’autre mot que honteux pour qualifier ce que nous avons trouvé, ce qui est inimaginable. Sur les 110 dossiers que nous avons fait sortir - soixante de plus de 100.000 euros et cinquante de moins de 50.000 euros - 90% sont en infraction. Des milliards sont en jeu. »

Une proposition de loi à venir pour les comptes bancaires

Une semaine plus tard, face aux sénateurs, Jean-Marie Levaux s’est fait plus précis. « Trois grands groupes ont été contrôlés. L’ACPR a adressé une lettre de rappel à l’ordre du premier, lui enjoignant de régler les problèmes relevés dans les deux ans. Pour les deux autres groupes, les irrégularités étant plus graves, une procédure de sanction a été engagée », a détaillé le probable futur vice-président de l’ACPR. « Ce que nous avons vu est vraiment scandaleux, en particulier la passivité de certains assureurs dans le traitement des dossiers. Malgré la loi (…), de très nombreux dossiers restent en attente. » Le problème, par ailleurs, sera très long à régler : « (…) les dossiers sont très nombreux et le processus est lent. (…) Nous sommes très mobilisés, mais c’est à la profession de mettre les moyens nécessaires pour résoudre le problème. » Dans l’immédiat, l’ACPR n’a pas communiqué le nom des compagnies concernées par les contrôles, ni la nature des sanctions.

Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale doit, de son côté, présenter très prochainement une proposition de loi visant à réduire le nombre de produits en déshérence, cette fois pour le secteur bancaire. Selon le rapport de la Cour des comptes déjà cité, l’épargne non-réclamée au sein des banques représente au moins 1,2 milliard d’euros, dont près de 920 millions d’euros pour le seul Livret A.

(1) « Groupement des entreprises mutuelles d’assurance » et « Fédération française des sociétés d’assurance »