Les députés ont débattu mercredi soir, lors d'une ultime lecture, des mesures décidées dans le sillage de l'affaire Cahuzac pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale et créer un procureur financier, rejeté par le Sénat.

Les votes définitifs sur les projets de loi renforçant la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ainsi que sur le projet de loi organique créant un procureur de la République financier auront lieu mardi.

L'Assemblée nationale a rétabli mercredi en quasi totalité le texte qu'elle avait voté en première puis en deuxième lecture avec le soutien de la gauche mais pas de la droite. Le Sénat a en effet persisté à rejeter certains articles ouvrant notamment le droit aux associations de lutte contre la corruption de se porter partie civile, augmentant la protection des lanceurs d'alerte ou faisant naître un procureur financier à compétence nationale.

Taubira : donner des « moyens efficaces » à la justice

« En ce moment où la situation est difficile, nos concitoyens ne comprenaient pas qu'on tergiverse, qu'on se defausse encore pour ne pas donner à l'autorité judiciaire les moyens efficaces, de la détection à la sanction » pour renforcer l'arsenal de lutte contre la fraude, a éclaré la ministre de la Justice, Christiane Taubira.

L'écologiste Eric Alauzet a renchéri : « Si les plus riches échappent à l'impôt, pourquoi le reste des Français devrait y consentir ? » Et le radical de gauche Alain Tourret d'évoquer des informations selon lesquelles Bernard Tapie aurait bénéficié d'une ristourne fiscale de plusieurs dizaines de millions d'euros sur l'arbitrage Adidas.

Le rapporteur, Yann Galut (PS), a salué un projet de loi rompant avec « une certaine tolérance dans notre pays, où nous ne disposions pas des outils juridiques et de la volonté politique pour affronter ce fléau représentant entre 40 et 80 milliards d'euros par an (de manque à gagner pour l'Etat), l'équivalent du budget de l'Education nationale ».

C'est « un pas décisif dans une longue marche », selon la socialiste Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des Finances, qui a relevé que la bataille européenne et mondiale était « loin d'être achevée ». S'il a salué « un premier pas important », Jean-Jacques Candelier (Front de Gauche) a alerté sur un manque de moyens des services fiscaux et judiciaires.

Le procureur financier contesté par l'UDI et l'UMP

A l'inverse, l'UDI Philippe Vigier a pointé les « divisions au sein de votre majorité », y compris entre députés et sénateurs PS, et des mesures qui « ne sont que l'ombre de ce qu'avait promis François Hollande ». Et l'UMP Etienne Blanc a critiqué de la « poudre aux yeux ». Le procureur financier a, jusqu'au bout, été la disposition la plus contestée par l'UDI et par l'UMP, qui a notamment fait valoir que les avocats et magistrats y étaient opposés. Les radicaux de gauche ont aussi pointé le risque de « conflits de pouvoirs ».

La garde des Sceaux a martelé que ce parquet aura « sa propre légitimité » et « disposera de moyens dédiés », tandis que le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve l'a qualifié de « progrès considérable ».

Le maintien du « verrou de Bercy » pour le déclenchement des poursuites judiciaires a été critiqué par le Front de Gauche, les radicaux de gauche mais aussi par l'UDI. « Cette opposition entre le verrou de Bercy et l'écrou de la place Vendôme a vécu », a riposté le ministre délégué au Budget, soulignant que le gouvernement avait accepté la proposition de députés socialistes d'une articulation accrue entre l'administration fiscale et la justice.