Face à l’ampleur de la polémique suscitée par l'alourdissement des taux de cotisations sociales portant sur les gains de certains produits d’épargne, le gouvernement a réagi ce vendredi. Les trois ministres concernés, Pierre Moscovici, Marisol Touraine et Bernard Cazeneuve signent un communiqué commun dans lequel ils réfutent la rétroactivité de la mesure, détaillant par ailleurs les produits visés.

L’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 à l’Assemblée nationale a provoqué cette semaine un véritable tollé. En cause, l’article 8 et ses conséquences sur les cotisations sociales de l’assurance-vie, du Plan épargne logement (PEL) et du Plan d’épargne en actions (PEA). La polémique a pris de plus en plus d’ampleur au fil des jours, le président de l’UMP Jean-François Copé dénonçant par exemple « une folie ». Selon lui, le fait que la mesure soit rétroactive est « complètement irresponsable ».

Lire à ce propos : les réactions à droite 

Le gouvernement réagit ce vendredi. Les ministres des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine, de l’Economie Pierre Moscovici et le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve tentent de clore la polémique en choisissant de répondre, point par point, à l’argumentaire de l’opposition.

Livrets A, LDD, LEP et livrets jeunes pas concernés

Les députés UMP ont dénoncé à l’Assemblée une attaque contre « l’épargne des classes moyennes » ou les « petits épargnants » ? Le gouvernement rappelle dans son communiqué que « cette mesure ne concerne pas les produits d’épargne réglementée : les livrets A, les livrets de développement durable, les livrets bleus, les livrets d’épargne populaire, les livrets jeunes (…) », aucun de ces placements n’étant soumis aux prélèvements sociaux.

Un « alourdissement de la fiscalité sur l’épargne » comme l’indiquait Frédéric Lefebvre sur Twitter hier midi ? Le communiqué insiste sur l’idée qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe mais d’un « alignement sur le taux de prélèvements sociaux de droit commun ». Le gouvernement reprend ainsi l’argument de la « simplification » de la fiscalité déjà avancé plusieurs fois cette semaine. « Il s’agit de mettre fin à des modalités de calcul dérogatoires dites « au taux historique », qui plaçaient certains produits d’épargne, ouverts dans le passé, dans une situation beaucoup plus avantageuse ». Pierre Moscovici, Marisol Touraine et Bernard Cazeneuve rappellent ainsi que « seuls les gains sur les placements réalisés à partir de 1997, date à laquelle les prélèvements sociaux ont commencé à s’appliquer, sont concernés ».

« Cette mesure n’est pas rétroactive »

La droite a fustigé la rétroactivité de la mesure ? « Cette mesure n’est pas rétroactive », répond le gouvernement. Le communiqué justifie la non-rétroactivité de la mesure par le fait qu’elle « ne s’appliquera qu’à des rachats ou clôtures des plans ou contrats qui interviendront après le 26 septembre 2013, date d’annonce de la mesure ». Les ministres insistent sur ce point dans leur texte en précisant par ailleurs que l’imposition n’intervient que « lorsque le contribuable encaisse le produit ».

Certains doutent pourtant du caractère constitutionnel d’une telle mesure, changeant les règles de l’imposition sur certains placements a posteriori de la souscription. Les ministres répondent : « Lorsque le précédent gouvernement a relevé les taux de prélèvements sociaux de 4,5 points entre 2009 et 2012 pour l’ensemble des autres produits d’épargne, ces nouveaux taux se sont appliqués dans les mêmes conditions que la mesure proposée, c’est-à-dire aux gains générés sur les années antérieures. Ces mesures ont été validées par le Conseil constitutionnel. »

Pierre Moscovici, Marisol Touraine et Bernard Cazeneuve profitent ainsi de l’occasion pour rappeler que « c’est la droite qui a augmenté les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne de 40% entre 2009 et 2012 (passage de 11% en 2008 à 15,5% en 2012) ».

Les placements concernés

Face à l’emballement médiatique autour de cette mesure, le gouvernement livre en annexe de son communiqué une liste des produits d’épargne qui seront effectivement concernés. Sont ainsi touchés par l’harmonisation à 15,5% les produits « soumis aux prélèvements sociaux, qui ne sont pas taxés d’ores et déjà au fil de l’eau, et dont les gains sont exonérés d’impôt sur le revenu ». Dans le détail, sont donc concernés :

  •  « les PEA et PEE de plus de 5 ans, durée à partir de laquelle ils sont exonérés d’impôt sur le revenu ;
  • les PEL ouverts entre 2004 et 2011 pour les seuls intérêts taxés au dixième anniversaire du plan : les intérêts enregistrés au-delà de la dixième année étaient déjà taxables à 15,5% au fil de l’eau (ce qui est le cas pour tous les plans ouverts avant 2004), de même que les intérêts des plans ouverts après 2011,
  • les contrats d’assurance-vie pour les gains réalisés sur des versements réalisés avant le 26 septembre 1997, et pour les seuls gains réalisés sur les unités de compte et, uniquement pour les gains acquis avant 2011, sur les compartiments euros des contrats multi-supports ».

Et pour éviter la confusion autour de cette mesure que de nombreux médias ont qualifiée de « technique », les ministres concluent leur communiqué par un rappel : seuls les prélèvements sociaux sont concernés. « Les épargnants qui ont souscrit ces produits en tenant compte d’un régime fiscal avantageux à l’impôt sur le revenu continueront évidemment de bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu qui leur était attachée lors de leur ouverture. » Suffisant pour clore la polémique ? Pas sûr... Peu après l’envoi du communiqué, le rapporteur PS du budget de la Sécu, Gérard Bapt, a demandé une exception pour le PEL et le PEE.

Pour mieux comprendre la mesure : Cotisations sociales : le gouvernement veut une rétroactivité du calcul sur l'assurance-vie, le PEL et le PEA