Envoyer des fonds depuis la France au-delà des frontières de l’Union européenne a un coût : 10,48% du montant envoyé au troisième trimestre 2013 selon la Banque mondiale. Mais les acteurs traditionnels, les banques ou les opérateurs type Western Union, voient de nouveaux acteurs débarquer sur le marché. Et grâce à internet, les tarifs baissent. Le point.

Les envois de fonds vers les pays en développement devraient franchir la barre des 500 milliards de dollars d’ici 2016 selon les données livrées par la Banque mondiale début octobre. L’institution table sur une croissance de 6,3% de l’activité en 2013, pour s’établir à 414 milliards de dollars.

Si MoneyGram et Western Union dominent le marché mondial, le second nommé profite d’une présence de longue date dans l’Hexagone. L’enseigne jaune et noire a conclu un partenariat avec la Poste dès 1996, renouvelé le 16 octobre dernier, ce qui lui permet aujourd’hui de disposer de 6.000 points de vente dans les bureaux de poste. La directive sur les services de paiement (DSP) a par ailleurs permis en 2009 aux opérateurs de transfert d’implanter des points de vente dans des commerces de proximité. Western Union en compte aujourd'hui 2.000.

Des tarifs plus élevés depuis la France

Marie-Elise Droga, directeur régional France et Benelux de Western Union, affirme toutefois que les banques gardent encore la mainmise sur le marché, grâce aux virements (1). Mais leur service a un inconvénient : « Il faut compter un délai en jours ou parfois en semaines en passant par une banque. » Les opérateurs de transfert, comme Western Union, MoneyGram, MoneyGlobe ou Ria, permettent effectivement des transferts quasi-instantanés, en communiquant un code au récepteur qui récupère l’argent en liquide dans un point de vente de son pays de résidence. Mais les tarifs de ces opérateurs restent élevés. Selon la Banque mondiale, l’envoi de fonds depuis la France coûte 10,48% de la somme transférée au troisième trimestre 2013, contre 8,93% dans le monde. Pourquoi ? Notamment car l’Afrique fait partie des destinations les plus onéreuses, avec des taux avoisinant 12,5%. Les tarifs affichés en agence par les opérateurs sont certes plus bas mais ils se rémunèrent aussi sur le taux de change.

Face à ces taux élevés, certains médias africains francophones évoquent des transferts réalisés clandestinement par les migrants. L’Agence française de développement édite elle un site, depuis 2009, envoidargent.fr, pour comparer les offres. Plus récemment, début octobre, l’organisation PlaNet Finance a lancé avec le soutien du groupe La Poste une opération visant à améliorer les transferts d’argent des migrants en Afrique.

De nouveaux acteurs, 100% web

Ce marché lucratif se renouvelle aussi par le jeu de la concurrence. En France, un nouvel acteur tente d’émerger. Imaginé voici 2 ans, Afrimarket a pu réellement lancer son offre en juin dernier en obtenant le statut de distributeur de paiement électronique auprès de la Banque de France. Un statut créé en 2013 et qui permet ainsi d’ouvrir la porte du secteur à de nouveaux entrants. Afrimarket mise sur un service alternatif : le cash-to-goods. L’émetteur, en France, demande sur internet la conversion de son argent en produits alimentaires, éducatifs ou de santé, dans une boutique partenaire. Afrimarket a noué des partenariats à Abidjan (Côte d’Ivoire), Cotonou (Bénin) et depuis la mi-octobre à Dakar et Saint-Louis (Sénégal). L’avantage affiché : des frais fixes à 5%, quel que soit le montant concerné.

Afrimarket ne remplacera pas Western Union mais son directeur général Jérémy Stoss, qui revendiquait 5.000 clients à la mi-octobre, vise 300.000 clients, des migrants africains installés en Europe. « Nous ne visons pas nécessairement des clients exclusifs. Notre offre est complémentaire de celle des opérateurs traditionnels. Les clients peuvent utiliser une fois Afrimarket pour un achat de santé, par exemple, puis une fois Western Union. »

Internet : toujours une minorité des transferts

Les innovations passent par internet. Autre exemple récent : le portefeuille électronique européen Skrill a lancé début octobre Skrill iT, un service de transfert de fonds international 100% web. « Nos clients peuvent envoyer de l’argent instantanément et ce, dans le monde entier moyennant 1 % de frais pour le transfert (commission maximale s'élevant à 10 euros), 2,99% de frais de change pour les principales monnaies et jusqu’à 4,99 % pour les moins répandues », assure Jonathan Wood, vice-président de la division paiements électroniques de Skrill, dans un communiqué. Seul inconvénient : le receveur doit, comme l’émetteur, posséder un accès web et disposer d’un compte Skrill, à moins de s’équiper d’une carte Skrill Prepaid MasterCard. Or, si Marie-Elise Droga, de Western Union, reconnaît que le marché des transactions via internet profite d’une « évolution à deux chiffres », elle assure que « l’essentiel passe encore par le réseau physique et par le transfert en espèces ».

Ainsi Marie-Elise Droga se montre assez peu inquiète à l’idée de voir de nouveaux acteurs sur le marché, qualifiant leurs offres de « spécialisées » quand sa société reste l’un des « généralistes » du transfert d’argent. Ce qui n’empêche pas Western Union d'innover pour éviter de se faire doubler par la concurrence. « Depuis 3 ans, nous proposons des alternatives. Les clients peuvent envoyer de l’argent directement via leur carte bancaire, ou directement depuis leur compte s’ils ont un compte à La Banque Postale. » Des expérimentations sont aussi en cours en termes de mobile payment. Et Western Union ne propose plus uniquement le retrait en espèces : « A la réception, on peut désormais, selon le pays dans lequel il se trouve, créditer son compte en banque ou sa carte bancaire. »

Les grands réseaux bancaires « intéressés »

Le transfert d’argent des migrants est-il à un tournant ? Jérémy Stoss voit « plein de nouveautés actuellement ». Il souligne par ailleurs que les grands réseaux bancaires se montrent « intéressés » par ce marché en mutation, sans indiquer comment ils comptent réagir. Marie-Elise Droga se montre plus sceptique quant à une entrée des banques sur le marché du transfert immédiat, arguant que Western Union est un complément du transfert de compte à compte. Dans tous les cas, le jeu de la concurrence amorce la baisse les prix. Exemple : un envoi Western Union coûte moins cher sur internet qu’en agence. L’objectif du G20 annoncé à Cannes en 2011 de ramener le coût moyen global des transferts à 5% en 2014 paraît difficile à réaliser, mais désormais moins utopique à moyen terme.

(1) Plusieurs grandes banques de détail françaises proposent des virements internationaux vers leurs filiales à l’étranger. La Banque Postale propose aussi des mandats internationaux, les fonds étant acheminés dans un délai de 2 à 15 jours.