L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, qui a pour mission de veiller à la stabilité financière en France, met en garde les banques contre tout relâchement de leur politique d’octroi de crédits immobiliers dans son enquête annuelle sur le financement de l’habitat. Objectif : prévenir une baisse soudaine des prix de l’immobilier.

« La possibilité d’un ajustement significatif à la baisse des prix de l’immobilier n’est pas à écarter, ce qui pourrait représenter un risque pour la stabilité financière. » Voilà tout l’enjeu pour l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’organe de supervision français de la banque et de l’assurance qui a publié en juillet, pour la troisième année consécutive, une étude sur le financement de l’habitat. Afin de prévenir un éventuel effondrement du marché, l’autorité y invite les banques à la prudence dans leur politique de gestion des crédits immobiliers : « Les établissements doivent accorder une grande attention au taux d’intérêt, qui doit intégralement tenir compte du coût des ressources, des charges opérationnelles et du coût prévisible du risque, comme à l’ensemble des autres critères d’octroi qui doivent être définis de manière prudente ».

Les banques n’ont pas attendu les conseils de l’ACPR pour s’exécuter. Dans cette enquête réalisée auprès des principaux établissements de crédit distributeurs de prêts à l’habitat, notamment via des « missions de contrôle sur place », l’ACPR confirme ce que les banques se refusent d’annoncer publiquement : elles ont durci leurs conditions d’octroi de crédits à l’habitat en intégrant « plus fortement la composante maîtrise des risques », et ce « en particulier depuis 2011 » selon l’ACPR. L’autorité pousse cependant les banques à resserrer encore leurs conditions d’octroi, notamment dans certains établissements où des conseillers jouissent d’un niveau de décision « trop élevé ».

Un marché atone, des Français endettés

Pourquoi l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution invite-t-elle les banques à tant de prudence ? Car l’année 2012, sur laquelle portait l’étude, n’a vu aucune amélioration du marché. La production de crédits immobiliers a reculé de 27,6% en 2012, accentuant une baisse déjà entamée, dans de moindres proportions, en 2011. Dans le même temps, l’encours de prêts à l’habitat a affiché sa plus faible progression annuelle (+2,8% en janvier 2013) depuis 10 ans.

L’étude de l’ACPR dresse en creux un portrait peu optimiste des Français ayant emprunté pour leur achat immobilier. Certes, le taux d’endettement moyen des ménages s’est stabilisé à 30,5% en 2012, soit l’exacte même proportion qu’en 2011. Il s’agit cependant du pourcentage maximum enregistré depuis 2001. Les Français semblent d’ailleurs avoir plus de difficultés à rembourser rapidement. Si la durée initiale des prêts reste stable, avec une moyenne de 19,8 ans, la durée effective, qui représente la moyenne des durées de prêts à la date de leur amortissement, augmente : 13,3 ans en 2012 contre 12,9 ans en 2011 et 12,15 ans en 2010. En conséquence, l’ACPR conseille aux banques d’éviter « un allongement excessif de la durée des crédits immobiliers » à l'heure de la signature de l'emprunt.

Le prêt moyen en hausse

Autre signe de la situation délicate dans laquelle se trouvent les ménages demandant un crédit immobilier, le montant des prêts augmente alors que les prix de l’immobilier stagnent voire baissent légèrement quasiment partout en France depuis 2010. Le montant du prêt moyen s’établit ainsi à 135.900 euros en 2012 contre 134.000 euros en 2011 et 123.000 en 2010.

L’analyse de l’ACPR n’incite cependant pas au catastrophisme. Si la « sinistralité » du crédit immobilier continue de progresser (taux d’encours douteux bruts à 3,32% en 2012 contre 3,18% en 2011), elle est moins forte dans l’habitat que dans l’ensemble des crédits à la clientèle. Surtout, si l’Autorité encourage les banques à la prudence, elle le fait sur la base des chiffres de l’année 2012. Or au cours de l’été 2013, le marché des crédits immobiliers a connu une légère amélioration.