Pas une semaine ne se passe sans l’annonce d’une innovation dans le domaine des paiements, qu’ils soient sur internet, sans contact, par mobile ou entre particuliers. Comment MasterCard, qui gère un des principaux réseaux de paiements internationaux, s’adapte-t-elle à cette nouvelle donne ? Nous avons posé la question à Jean-Philippe Habran, en charge du business development au sein de l’entité française de l’opérateur de carte bancaire.

Jean-Philippe Habran, le déploiement des cartes de paiement sans contact s’accélère en France. A quand remonte l’intérêt de MasterCard pour cette technologie ?

« Le sans contact est un produit imaginé et mis sur le marché par MasterCard il y a une dizaine d’années. Notre idée était déjà de développer une alternative aux espèces, pour rendre les petits paiements plus rapides et plus sûrs, en particuliers dans certains secteurs comme les transports, la restauration rapide ou la grande distribution. Il a toutefois fallu un peu de temps pour le mettre en place concrètement dans les différents marchés. »

Quels pays sont en avance dans le domaine du sans-contact ? Et où en sommes-nous en France ?

« Un des pays où les cartes de paiement sans contact ont été adoptées le plus rapidement est le Canada. En Europe, deux pays sont en avance : la Grande-Bretagne et la Pologne. En France, le premier grand projet date de 2009, dans les magasins Carrefour. Ce déploiement a servi de vitrine et d’exemple. Grâce aux retours d’expériences, il a aussi permis de voir que le sans contact répondait à un besoin réel et que le consommateur était prêt. Depuis, l’ensemble des grands distributeurs ont déployé le sans-contact dans leurs magasins ou étudient très concrètement le sujet. »

Comment expliquer cette différence de maturité d’un pays à l’autre ? Est-ce une volonté de MasterCard de favoriser certains marchés plutôt que d’autre ?

« Non, nous sommes proactifs dans l’ensemble des pays. Ces différences viennent plutôt des caractéristiques propres à chaque marché. Si l’on prend l’exemple de la Pologne, le réseau d’acceptation était encore peu développé il y a quelques années. Quand les commerçants se sont équipés, ils l’ont été directement avec des terminaux compatibles avec les cartes sans contact. Et les usages des consommateurs ont suivi. En France, au contraire, l’acceptation de la carte bancaire est plus ancienne et bien installée dans les habitudes. L’évolution des usages prend donc un peu plus de temps. »

Qu’en est-il du téléphone mobile ? Ne risque-t-il pas de supplanter la carte bancaire pour le paiement sans contact ?

« Je ne le crois pas. Lorsqu’on regarde l’histoire des moyens de paiements, on constate que les derniers arrivés ne font pas disparaître les anciens - à l’exception peut-être du chèque, dont l’usage diminue régulièrement depuis une dizaine d’années. Il y a un phénomène de juxtaposition. Le mobile va sans doute se développer fortement, peut-être en partie au détriment de la carte. Nous avons récemment interrogé 300 grands commerçants européens, et un sur deux pense que le mobile va devenir le premier canal de vente d’ici 2020. Mais dans les commerces de proximité, la carte restera, je pense, un moyen de paiement utilisé et apprécié des consommateurs, comme c’est le cas actuellement. Nous continuerons tous à disposer d’une carte de paiement dans nos portefeuilles, il y aura coexistence. »

Une des solutions pour rendre la carte bancaire indispensable est de permettre de l’utiliser pour autre chose que le simple paiement. Quels sont vos projets dans le domaine des cartes-multiservices ?

« Effectivement, les nouvelles générations de puces ont la capacité d’avoir d’autres applications que le paiement. Dans ce domaine, nous travaillons dans trois directions : l’abonnement, la fidélité et l’identification. La carte bancaire peut ainsi embarquer votre abonnement aux transports en commun, à l’image de Navigo dans la région parisienne ; vos cartes de fidélité, avec la possibilité de bénéficier de réductions et d’avantages. Mais elle peut aussi permettre de vous authentifier, par exemple à l’université, pour accéder à la bibliothèque ou à la résidence universitaire. Nous discutons également avec la Russie et l’Inde, deux pays où il n’existe pas de carte nationale d’identité, pour développer des cartes de paiement qui permettent également de décliner son identité. »

Vous avez donc l’ambition d’être l’unique carte, de paiement mais aussi d’identité, dans le portefeuille de vos clients ?

« Pas du tout, nous n’avons pas vocation à être une sorte de « big brother ». Notre principale activité, et notre source de revenus, est et restera le paiement. Nous ne croyons pas non plus que les gens n’auront, à terme, qu’une seule carte multi-usages dans leur portefeuille. Mais peut-être trois ou quatre, au lieu d’une quinzaine aujourd’hui. »