La réforme réglementaire dite Bâle III est devenue « un phénomène européen », a estimé jeudi le président de BNP Paribas, Baudouin Prot, en référence au report sine die du calendrier d'application par la Réserve fédérale américaine vendredi.

Pour justifier sa décision, la banque centrale américaine a fait état de l'« inquiétude » de « nombreux » établissements bancaires quant à une application stricte du nouveau cadre réglementaire dès début 2013, comme prévu initialement, alors qu'elles n'y seraient pas suffisamment préparées. Une de ses dirigeantes, Elizabeth Duke, a déclaré dans un discours que « tous ses collègues au directoire » de la Fed étaient « inquiets des effets » que l'application de ces nouvelles règles pourraient avoir sur « les activités de prêt de banques de proximité ».

« Le commentaire est extrêmement clair », a estimé Baudoin Prot lors d'une table ronde organisée dans le cadre des entretiens de l'Autorité des marchés financiers (AMF). « M. (le commissaire européen aux Services financiers Michel) Barnier avait dit qu'il n'appliquerait pas Bâle III tant que les Américains ne l'appliqueraient pas. Je voudrais savoir ce que va faire M. Barnier » maintenant, a lancé le président de BNP Paribas.

Faisant allusion à la loi américaine dite Fatca, qui impose aux établissements financiers du monde entier de communiquer des informations concernant leurs clients américains, Prot a estimé que ce n'était « plus la peine d'aller à Bâle, puisque le Congrès (américain) dirige les affaires mondiales ».

« Combien faudra-t-il de Bâle ? »'

« Les Américains se sont rendus compte que c'était un petit peu compliqué et risqué et ils ont décidé de prendre leur temps », a observé le président de l'AMF, Gérard Rameix. « Si c'est les Etats-Unis, ce n'est pas grave, c'est la moitié de l'industrie mondiale », a ironisé Prot. « Combien faudra-t-il de Bâle ? », a-t-il lancé, rappelant que les banques américaines n'avaient jamais appliqué le cadre réglementaire dit Bâle II, dont l'élaboration avait pourtant été menée avec une forte implication des régulateurs américains.

En Europe, l'adoption du texte d'application de Bâle III a pris du retard, mais la présidence chypriote continue à croire à un accord final d'ici la fin de l'année. « Bâle III semble ne pas devoir être appliqué dans la zone d'où est partie la crise », a renchéri le PDG de Société Générale, Frédéric Oudéa, lors d'une autre table ronde. « Mon inquiétude, c'est de savoir si demain, nous pouvons continuer à faire notre travail de manière compétitive », a-t-il expliqué, pointant les conséquences possibles d'un déséquilibre réglementaire qui favoriserait les grandes banques américaines. « Ne soyons pas naïfs, nous sommes dans une compétition internationale pour capter la croissance », a prévenu Frédéric Oudéa.