Comment les Français aisés réagissent-ils face à la crise et aux projets fiscaux de la nouvelle majorité ? Et comment les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) s’adaptent-ils à cette nouvelle donne ? Le point de vue de Guillaume Sereaud, responsable des études patrimoniales au sein de FIP Patrimoine, réseau d’une trentaine de cabinets de CGPI.

Guillaume Sereaud, comment réagissent vos clients aux projets fiscaux de la nouvelle majorité ?

« On est évidemment très loin de l’euphorie. Il y a une forme d’agacement sur la hausse de la fiscalité et du dépit face une croissance économique atone. Il y a surtout beaucoup d’interrogations. Sur quels supports orienter leur patrimoine ? Si l’on met de côté l’épargne réglementée, qui est plafonnée, les liquidités sont mal rémunérées. Alors, les matières premières ? L’investissement locatif ? Tous ces choix comportent des risques avec la crise. »

Se sentent-ils particulièrement visés par cette nouvelle politique ?

« Les Français aisés ne sont pas les seuls visés. La probable hausse de 2 à 4 points de la CSG, dans le cadre du budget 2013, et la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires touchera tous les Français, et notamment les classes moyennes. Le sentiment le plus courant est que tant que nos politiques ne s’attaqueront pas à la réduction des dépenses de l’Etat, la situation budgétaire ne s’améliorera pas. L’ISF, par exemple, est avant tout un impôt politique. Le coût de son recouvrement est quasi-équivalent à ses recettes : il n’y a pas de réels bénéfices pour l’Etat. Sans compter que le principe est de taxer du stock plutôt que des flux de revenus, ce qui est aberrant. »

Quelle mesure aura le plus d’impact sur votre pratique de conseiller en gestion de patrimoine ?

« Sans doute le futur plafonnement des niches fiscales. Avec cette mesure, il va devenir de plus en plus difficile de trouver des produits de défiscalisation, à part peut-être dans le domaine de l’investissement locatif, où le gouvernement, pour soutenir sa politique de logement social, pourrait mettre en place un dispositif de non-imposition des bénéfices fonciers, par un jeu d’amortissement, comme dans le dispositif Robien. Mais globalement, nous allons devoir proposer à nos clients des stratégies plutôt que des produits clés en main. »

Les plus-values immobilières et l’assurance-vie pourraient par contre être épargnées…

« Effectivement, le gouvernement compte revenir au barème d’avant 2005, avec un exonération de plus-values immobilières à partir de la 22e année de détention. Mais ces plus-values seront, a priori, taxées au barème progressif, dans le cadre de l’alignement de la fiscalité du travail et du capital. L’assurance-vie devrait conserver un régime avantageux au-delà de huit ans de détention. Par contre, les revenus des assurances-vie de moins de huit ans pourraient également être prochainement imposées au barème. »

L’assurance-vie, justement, vous-paraît-elle un produit d’avenir ?

« Avec l’alourdissement de la fiscalité des donations et successions, elle va retrouver de l’attrait comme outil de transmission. Plus généralement, le problème de l’assurance-vie n’est pas tant la future fiscalité sur les revenus perçus avant huit ans, car il existe des parades : on peut par exemple privilégier des produits permettant de différer les participations aux bénéfices. La principale cause de la décollecte actuelle est le rendement. Là encore, il faudra être capable de proposer à nos clients autre chose que des fonds en euros. Rechercher et trouver, dans un premier temps, des fonds non garantis intéressants, qui ont fait leurs preuves et qui permettent d’envisager des rendements de 1 à 2 points supérieurs au fonds en euros. Faire preuve, ensuite, de pédagogie et convaincre nos clients. »