Un an après la pleine entrée en vigueur de la loi Lagarde, UFC-Que Choisir vient de dévoiler les résultats d’une enquête (1) qui s’intéresse à son application dans la distribution de crédits sur les lieux de vente. Résultat : l’association de consommateurs a relevé de nombreux manquements à la loi et va lancer plusieurs actions en justice, tout en appelant à des contrôles de la répression des fraudes.

En 2009 déjà, l’association de consommateurs avait mené une enquête comparable, avec des constats déjà sévères pour les distributeurs de crédits : orientation quasi-systématique des consommateurs vers le crédit renouvelable, absence de vérification de la solvabilité et manque d’information sur les caractéristiques et le fonctionnement du crédit.

Depuis cette date toutefois, la loi portant réforme du crédit à la consommation (dite loi Lagarde), publiée en juillet 2010, a largement encadré cette activité, en obligeant notamment les distributeurs de crédits à offrir systématiquement le choix, pour les prêts supérieurs ou égaux à 1.000 euros, entre un crédit renouvelable et un crédit amortissable. Au début de cette année, les bénévoles d’UFC-Que Choisir sont donc retournés sur le terrain pour voir si la situation s’était améliorée.

Le crédit sans frais comme « appât »

Premier constat, plutôt positif : le crédit renouvelable, ou revolving, très critiqué pour son implication dans de nombreux cas de surendettement, recule sur les points de vente. Il n’est plus proposé que dans 36,6% des cas, contre 64% en 2009. Mais pour UFC-Que Choisir, les bonnes nouvelles s’arrêtent là. En effet, près de 8 fois sur 10, il est alors proposé seul, sans alternative en crédit amortissable. Et plus de 2 fois sur 3, le crédit renouvelable proposé n’est pas désigné comme tel, mais comme une « réserve d’argent » ou un « panier ». Autant de dénominations pourtant proscrites par la loi. « Le crédit renouvelable avance toujours masqué » commente ainsi Maxime Chipoy, chargé de mission banque, à l’occasion d’une conférence téléphonique.

Selon l’enquête, la critique vaut également pour les sites internet des organismes de crédit. UFC-Que Choisir en a passé cinq, ceux des principales enseignes françaises, au peigne fin. Et aucun, selon elle, ne respecte à la lettre la loi Lagarde. Soit parce qu’ils ne proposent pas d’alternative amortissable pour les crédits inférieurs à 3.000 ou 3.500 euros ; soit parce que, quand elle existe, cette alternative est plus ou moins dissimulée, en bas de page, en petits caractères ou sous des liens à la formulation ambigüe.

Mais les motifs d’inquiétude de l’association ne s’arrêtent par là. En effet, si elle a constaté la progression, sur les lieux de vente, des crédits gratuits (proposés dans 70,7% des cas), ainsi que des crédits amortissables (48,5%), ces propositions sont le plus souvent assorties de l’obligation de souscrire une carte de fidélité du magasin qui, 3 fois sur 4, est équipée d’un crédit renouvelable. « Les offres du type trois fois sans frais fonctionnent comme un appât pour les cartes magasin », explique Maxime Chipoy. « Il s’agit donc d’une moralisation en trompe-l’œil. Quand le client a remboursé son premier crédit, on le relance par courrier pour l’encourager à utiliser le crédit renouvelable. »

Information insuffisante

Autre question centrale, celle de l’information de l’emprunteur. Là encore, UFC-Que Choisir constate quelques progrès par rapport à 2009, mais qui restent très insuffisants au regard de la loi Lagarde. Le document récapitulant l’offre de crédit, rendu obligatoire en 2011, n’est toujours fourni que dans 57,3% des cas. Et plus de 8 fois sur 10, le vendeur ne donne aucune information sur le montant des intérêts, les frais de dossier, les possibilités de remboursement anticipé ou le délai de rétraction.

Les distributeurs de crédits sur le lieu de vente pèchent également au niveau de la vérification de la solvabilité. Toujours selon l’enquête, dans 85,6% des cas, les questions posées sur la situation professionnelle, financière et familiale de l’emprunteur sont insuffisantes, voire inexistantes. « Les crédits restent en libre-service dans les magasins », constate Maxime Chipoy. « Pourtant, en posant les bonnes questions, il serait possible de filtrer 90% des cas présentant des risque de surendettement. »

Les lieux de vente « discrédités »

Pour autant, UFC-Que Choisir ne remet pas en cause la loi Lagarde. « Une loi assez satisfaisante [qui] répondait assez bien à nos principaux problèmes » rappelle Olga de Sousa, juriste. « Mais les mauvaises pratiques des établissements ont la vie dure. Ce sont les lieux de vente qui sont discrédités ».

L’association a ainsi annoncé avoir déposé plainte auprès du Tribunal de grande instance de Paris contre cinq établissements de crédit (Sofinco, Financo, Cetelem, Cofidis et Cofinoga), tandis que certaines de ses antennes locales ont fait de même contre des succursales d’enseignes de grande distribution (Carrefour, But, Fly et Cora). Dans tous les cas, le motif est le même : « défaut d’offre alternative ».

UFC-Que Choisir a également écrit au ministère de l’Economie et aux parlementaires, pour leur demander de durcir le cadre de la distribution de crédit sur le lieu de vente, notamment en y interdisant totalement les crédits renouvelables et le démarchage. Enfin, elle a transmis les résultats de son étude à la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), afin de l’encourager à mener ses propres enquêtes de terrain, et à sanctionner les manquements. Affaire à suivre, donc.

(1) Enquête réalisée entre le 21 janvier et le 4 février 2012, dans 1.126 magasins de 45 enseignes différentes avec un scénario unique : une demande de crédit pour l’achat d’un ou plusieurs articles pour un montant supérieur ou égal à 1.000 euros.