Manque de transparence, demandes illégales de documents, honoraires injustifiés : se basant sur une enquête effectuée auprès de 1.056 agences, l’UFC-Que Choisir dresse un portrait très sombre des pratiques des professionnels de l’immobilier en matière de location. Elle demande au gouvernement de légiférer sur la question.

Alors qu’à l’approche de la rentrée universitaire, des milliers d’étudiants (et leurs parents) sont actuellement à la recherche d’un logement, UFC-Que Choisir a, ce matin, convié la presse pour dénoncer les « pratiques bien peu louables » des agences immobilières.

Elle y a dévoilé les résultats d’une étude menée du 14 mars au 2 avril auprès de 1.056 agences. A chaque fois, le même scénario : un bénévole de l’association s’y présente en expliquant qu’il veut aider un jeune membre de sa famille dans sa recherche à la location d’un appartement de 2 pièces et de 40m2. Son dossier est recevable : il gagne trois fois le montant du loyer mais il n’a pas de garant. Au cours de cette recherche fictive, les pratiques des agents ont été observées à la loupe. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le tableau dressé par l’UFC-Que Choisir n’est guère à leur avantage.

Défaut d’affichage et demandes illégales

Premier constat : de nombreuses agences se dérobent encore à l’obligation légale d’afficher le montant de leurs honoraires (21% des agences visitées ne le font pas) et le diagnostic de performance énergétique (mentionné seulement dans 72% des cas) des logements proposés. « Cette dernière information est pourtant déterminante dans le contexte de flambée des prix de l’énergie » estime Alain Bazot, le président de l’UFC.

Ensuite, une nette majorité d’agences (64%) continue à demander aux candidats à la location des documents interdits par la loi. Il s’agit principalement d’attestations d’employeur (46% des cas), mais aussi de photos d’identité (10%) ou d’autorisations de prélèvement (10%).

Enfin, l’UFC-Que Choisir a constaté que les garanties demandées par les agents immobiliers - « sous la pression des bailleurs » selon Alain Bazot - dépasse largement les exigences d’autres secteurs. Ainsi, dans le scénario retenu par l’association, le candidat à la location présente des revenus trois fois supérieurs au montant du loyer. Un ratio confortable, mais qui s’est révélé insuffisant pour 28% des agences visitées. Conclusion de l’UFC-Que Choisir : « Cette exigence supplémentaire souligne clairement le fait que les agences sont avant tout au service du bailleur (…) »

Des honoraires trop élevés

Pourtant, le locataire paye lui aussi très cher le recours aux agences immobilières. En moyenne, les honoraires atteignent l’équivalent de 95% d’un mois de loyer, selon les relevés effectués par les bénévoles de l’UFC. Voire 115% chez Foncia, le réseau le plus gourmand. « Nous avons constaté que les honoraires étaient indexés sur le loyer, pas sur la réalité du service » explique Grégory Carré, responsable des études de l’association. Ainsi, une même agence, pour un service identique, facturera couramment des honoraires différents d’un logement à l’autre, en fonction du montant de son loyer.

D’autres n’hésitent pas à facturer l’état des lieux, alors que la loi l’interdit. En effet, l’UFC-Que Choisir rappelle que seuls les frais de rédaction du bail doivent être facturés au locataire. « La jurisprudence est claire : le locataire n’est pas censé payer pour être recherché. C’est un service rendu au bailleur », explique Alain Bazot. « Vous vous imaginez devoir payer pour regarder un vêtement dans une vitrine ? »

Enfin, la rédaction du bail est le plus souvent facturé à un tarif prohibitif. L’UFC a ainsi constaté une facture moyenne de 190 euros. Cher pour un acte standardisé.

Absence de concurrence

Comment en est-on arrivé à ces pratiques « aberrantes », pour reprendre l’expression du président de l’UFC ? Selon lui, les agences immobilière profitent d’un effet d’aubaine sur les prix, et d’une forme d’impunité : « Le montant des honoraires est fixé librement par les agents immobiliers, dans une logique de marché. Pourtant, le locataire est un client captif. Un fois qu’il a trouvé un bien qui lui convient, il n’a aucun moyen de faire jouer la concurrence entre les agences. Doit-on alors laisser sur le libre marché un prix qui n’est pas régulé par la concurrence ? ». Par ailleurs, la loi, notamment celle du 6 juillet 1989 encadrant les honoraires, ne prévoit aucune sanction en cas de manquement. Pas facile, dans ce cas, de poursuivre les fautifs.

C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir en appelle au gouvernement pour légiférer sur la question. Coïncidence ? le Parlement examinera à l’automne un nouvelle loi de protection des consommateurs, présentée par le secrétaire d’Etat au Commerce, Frédéric Lefebvre. L’association demande un plafonnement des honoraires pour la rédaction du bail au niveau national, une meilleure information du locataire sur les états des lieux et le placement auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) des dépôts de garantie versés par les locataires.

Cette dernière mesure aurait le double avantage, selon l’UFC, d’éviter aux locataires d’être à la merci des propriétaires pour récupérer leurs dépôts de garantie, et de générer des intérêts (150 à 200 millions d’euros par an, selon ses calculs) que l’association propose d’ajouter au budget du Fonds Solidarité Logement.