Depuis une dizaine d'années, l'usage du chèque décline en France et en Europe. Mais si certains pays commencent à évoquer sa disparition prochaine, personne ne semble encore disposé à passer le pas.

Qui veut la peau du chèque bancaire ? Personne apparemment, au moins pour l’instant. Pourtant, l’idée semble trotter dans la tête de certains. Fin 2009, le conseil des paiements britannique avait ainsi annoncé son intention de supprimer les chèques en Grande-Bretagne à l’horizon 2018. Ses arguments : le chèque est en « déclin terminal ». Trop coûteux, peu sûr, il est de moins en moins accepté dans les magasins outre-Manche et ne représentait plus, en 2008, que 3% du total des paiements, hors espèces.

Pourtant, dix mois plus tard, l’institution, chargée de superviser le marché britannique des moyens en paiement, est revenue sur sa décision. Dans un communiqué publié le 12 juillet dernier, elle promet que les « chèques resteront tant que les clients en auront besoin ». Pourquoi ce revirement ? Tout simplement parce que l’annonce de 2009 avait déclenché une levée de boucliers de consommateurs, mais aussi d’organisations caritatives, qui considéraient que cette décision allait affecter avant tout les populations les plus vulnérables, les personnes âgées en premier lieu, et les petites entreprises.

Pas de suppression du chèque en France

En France aussi, la question de la disparition du chèque bancaire a été récemment posée. En juillet 2010, l’ancienne ministre de l’Economie, Christine Lagarde, prend réception d’un rapport sur la tarification des services bancaires, le fameux rapport Pauget-Constans. Parmi les orientations proposées, on retrouve le « remplacement progressif à moyen-terme du chèque », au profit d’un virement électronique de proximité que la ministre appelle de ses voeux. Mais neuf mois plus tard, fin mars, Lagarde tranche : la « suppression du chèque n’est pas une option aujourd’hui ».

Entretemps, la ministre de l’Economie a commandé une nouvelle étude, cette fois spécifiquement dédiée à la situation du chèque en France. Et le panorama qu’elle dresse est très clair : même si son usage décline régulièrement depuis une dizaine d’années (-4% par an en moyenne depuis 2002), le chèque reste un moyen de paiement très utilisé en France. Malgré la carte bleue, malgré les virements sur Internet.

Un paiement sur cinq

Les Français sont même, et de très loin, les champions européens dans le domaine. Selon l’étude, intitulée « L’utilisation du chèque en France », 3,3 milliards de chèques ont été émis en 2009, ce qui représente 51 chèques en moyenne par habitant et 20% des paiements effectués, hors espèces. A titre de comparaison, la moyenne des pays de la zone euro se situe à 12 chèques par habitant et par an.

Il faut dire que neuf Français majeurs sur 10 possédent un chéquier, et qu’ils sont encore 18% à le préférer à tout autre moyen de paiement. Et pas seulement des personnes âgées : le pic d’utilisation se situe en effet entre 35 et 49 ans. Chez les particuliers, l’usage du chèque reste largement majoritaire pour régler certaines dépenses, notamment les biens d'un montant supérieur à 500 euros.

Gratuité du chèque

Qu’est-ce qui justifie une telle résistance pour un moyen de paiement qui, à l’heure des réseaux électroniques, paraît obsolète ? Pour répondre à cette question, l’étude a recueilli les points de vue des associations de consommateurs, des commerçants et des banques. La liste des points faibles du chèque est assez longue. Son utilisation ralentit les paiements en caisse. Il comporte, pour le commerçant, un risque d’impayés. Enfin, il génère des coûts importants et peu de recettes pour les banques.

Mais le chèque conserve un avantage indéniable au yeux des consommateurs : il est gratuit, ce qui n’est pas le cas des rares alternatives offertes aujourd’hui, comme le paiement électronique entre particuliers, proposé par PayPal ou le Crédit Agricole. Les associations interrogées insistent également sur deux autres points. Au moment du paiement, le chèque est à l’initiative du consommateur, ce qui n’est pas le cas du prélèvement. Il est également, le plus souvent, la seule manière de régler certains dépenses, commes les honoraires du médecin, les services à domicile ou les factures de cantine.

En l’absence d’alternative simple, pratique et gratuite, le chèque a donc encore de beaux jours devant lui.