Alors que les places financières affichaient une légère reprise dans la journée de mardi, la décision surprise de l’Allemagne d’interdire la vente à découvert sur certains produits financiers extrêmement spéculatifs a affolé les marchés et contribué à faire baisser la valeur de l’euro.

Mardi soir, la Bafin, l'autorité allemande des marchés financiers, a annoncé l’interdiction immédiate des ventes à découvert à nu sur les emprunts d’Etat de la zone euro, sur les « credit default swaps » (CDS, crédits qui couvrent contre le risque de faillite d’un pays ou d’une entreprise), ainsi que sur dix actions du secteur financier Outre-Rhin, et ce, jusqu’au 31 mars 2011. Les ventes à découvert à nu permettent de vendre un actif sans l’avoir emprunté auparavant ou s’être assuré de sa disponibilité.

Cette décision, prise sans aucune concertation avec les autres pays de l’Eurogroupe, a pour objectif de réguler davantage les marchés, afin d’enrayer des mouvements spéculatifs trop préjudiciables aux économies des Etats, comme ceux mis en évidence dans la crise grecque.

Dès mardi, cette annonce de durcissement de la réglementation financière allemande a provoqué un effet de panique sur les marchés financiers. Les bourses ont toutes terminées dans le rouge mardi soir, entraînant une nouvelle dévaluation de la monnaie unique, passant sous le seuil des 1,22 dollar, son plus bas niveau depuis 4 ans. Les investisseurs, à peine rassurés après la validation du plan de secours de 750 milliards, ont vu dans cette décision un manque d’unité des pays de la zone euro.

Le manque d'unité au sein de la zone euro ne rassure pas les marchés

Selon certains analystes financiers interrogés à Londres par l’AFP, les incertitudes sur le plan de sauvetage européen ont amené les marchés à interpréter cette décision allemande comme « un acte désespéré » et le signe « que la crise de la dette en Europe pourrait encore s’aggraver ». D’autre part, cette annonce est intervenue à un moment où les marchés attendaient, au contraire, des pays européens de la solidarité dans la réponse à la crise budgétaire.

Le président de la Commission européenne José Manuel Durao Barroso a soutenu cette interdiction, et même incité les autres pays de la zone euro à adopter une action concertée dans ce sens. Mais la décision allemande est loin de faire l’unanimité. Hier, Christine Lagarde, ministre française de l’économie, a ainsi estimé qu’il n’était pas inutile que certaines transactions « puissent continuer sans que soit interdite la vente à découvert », notamment « pour des besoins de liquidités ».

De son côté, Jean-Pierre Jouyet, président de l’AMF, gendarme des marchés financiers français, a exprimé aujourd'hui ses doutes sur l’efficacité des mesures prises par Berlin pour limiter la spéculation sur les marchés financiers.

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L’euro « en danger » pour Angela Merkel, mais pas pour Christine Lagarde

Dans la nuit de mardi à mercredi, l’euro est tombé à son plus bas niveau depuis quatre ans, passant sous la barre des 1,22 dollar. Depuis le début de l’année, la devise européenne a perdu 15% de sa valeur face au billet vert. Et la rapidité de sa dévaluation ces dernières semaines continue à inquiéter.

Mercredi devant le Bundestag, Angela Merkel a jugé que « l’euro était en danger », estimant que si ce danger n’était pas paré, « les conséquences pour l'Europe et au-delà de l’Europe » seraient « incalculables », et que « si l'euro échoue, l'Europe échoue ».

Ces propos alarmistes sur la monnaie européenne ont de nouveau agité les places financières. Ce matin, Christine Lagarde a contredit mot pour mot le discours de la chancelière allemande, affirmant qu’elle ne croyait « absolument pas que l’euro soit en danger » et que « l’euro est une devise solide et crédible (…) ».