Jean-Pierre Rochette est le directeur général de CMP Banque, la filiale du Crédit municipal de Paris spécialisée dans le rachat de crédits. Il livre son point de vue, nuancé, à propos de la loi sur le crédit à la consommation, adoptée hier en première lecture par l’Assemblée nationale.

Jean-Pierre Rochette, la réforme du crédit à la consommation vous paraît-elle, en l’état, satisfaisante ?

« Elle apporte d’indéniables améliorations et permettra de réguler certains excès. La disposition la plus importante, il me semble, est la réforme du taux de l’usure . Jusqu’ici, il existait deux taux distincts, selon que le crédit était renouvelable ou amortissable. Désormais, la distinction se fera selon son montant : c’est un vrai progrès, qui devrait encourager les banques à proposer des prêts personnels amortissables, même pour des petits montants. Par contre, la loi oublie un point essentiel, selon moi, en ne réglementant pas, dans certains cas, la relation entre l’emprunteur et le prêteur.

La distribution de crédits est désormais une activité industrielle. La décision d’accorder, ou non, un prêt est de plus en plus souvent prise à distance, ou sur les points de vente, et ne s’appuie que sur l’appartenance du client à telle ou telle catégorie statistique, qui permet de calculer un risque théorique de défaillance. Cela ne suffit pas. Pour s’assurer de l’adaptation du crédit à sa situation, présente et future, il est nécessaire d’échanger longuement avec le client, éventuellement par téléphone, mais si possible en face à face. »

Vous préconisez donc le retour à une forme d’artisanat du crédit...

« Non, je suis conscient qu’il sera difficile de revenir en arrière, notamment pour les crédits de petit montant. Il y a de lourds intérêts économiques en jeu, et les établissements préféreront refuser un petit crédit, plutôt que de supporter le coût d’une analyse en profondeur de la situation individuelle du client. Cela risque d’exclure de nombreux ménages de l’accès au crédit.

Par contre, je pense que la loi aurait dû imposer cette analyse dans trois cas : pour les crédits de montants importants, pour les rachats de crédits et pour les situations de crédits multiples. »

Le gouvernement n’a-t-il pas manqué de courage, en ne s’attaquant pas plus directement aux crédits renouvelables ?

« Je ne crois pas. Il ne faut pas tomber dans une vision manichéenne : les crédits renouvelables ne sont pas le diable, ils peuvent être bien adaptés, en particulier à une clientèle plutôt aisée. Le problème est que trop de personnes y ont recours, parfois à tort et à travers. J’ai été confronté récemment à un client qui avait 33 crédits sur le dos, par paquets de sept ou huit par établissement. Il est propriétaire de son logement, possède un patrimoine, il passe donc à travers les mailles du filet statistique. Dans ce cas, il y a un double dysfonctionnement : du côté des banques, mais aussi du client, dépourvu d’éducation financière. »

La création d’un fichier «positif», recensant l’ensemble des crédits contractés par les ménages français, est-elle une solution ?

« Le fichier positif, s’il voit le jour, permettra d’éviter certains dérapages, de repérer certaines fausses déclarations. Mais il n’exonérera pas, dans certains cas, d’une analyse plus fouillée. »